N° 1668 du Canard Enchaîné – 8 Octobre 1952
N° 1668 du Canard Enchaîné – 8 Octobre 1952
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L’article « Quand les soldats deviennent des enseignes lumineuses« signé par Morvan Lebesque et publié dans Le Canard enchaîné du 8 octobre 1952 est un réquisitoire cinglant contre la manipulation des idéaux patriotiques par le commerce et l’exploitation des symboles héroïques à des fins publicitaires.
L’article s’ouvre sur une publicité parue dans France-Soir concernant un système d’antigel, illustrée par une « mascotte » surnommée Alfred-le-Pingouin. Ce court texte, associé à une annonce dramatique d’émeutes dans un camp de prisonniers en Corée, provoque chez Lebesque une réflexion amère sur la façon dont la guerre, ses morts et ses survivants deviennent des outils de marketing ou des symboles instrumentalisés.
À travers un souvenir d’enfance, Lebesque remonte à la Première Guerre mondiale pour illustrer comment les souffrances des soldats ont été récupérées à des fins commerciales. Il évoque la « Chicorée de la Victoire », un produit dont la publicité exploitait sans vergogne le patriotisme et le sacrifice des poilus. Ce souvenir lui permet de dénoncer une continuité : l’héroïsme, autrefois chanté dans les discours officiels, est aujourd’hui relégué sur les étagères des épiceries et recyclé sous des formes qui trahissent sa véritable essence.
Lebesque critique avec mordant les cérémonies patriotiques et leurs slogans creux, comme « N’oubliez pas ! », qui servent à justifier les morts passées tout en préparant les générations futures à d’autres sacrifices. Il établit un parallèle entre les monuments aux morts et la publicité, où le message est vidé de sa substance pour ne devenir qu’un simple leitmotiv destiné à maintenir une adhésion populaire.
Dans une scène située rue d’Alésia, il observe deux affiches qui se répondent, l’une appelant à mourir pour une « sainte cause catholique », l’autre pour une « cause du peuple ». Ces deux idéologies opposées, incarnées par un communiste et un boy-scout, symbolisent pour l’auteur l’universalité de l’élan sacrificiel, quelles que soient les causes ou les croyances. Pourtant, Lebesque les confronte à la réalité crue de la guerre et à la vanité de tels sacrifices, se demandant ce qu’il reste de ces idéaux une fois que la vie a été fauchée.
L’auteur conclut en s’adressant directement aux jeunes hommes prêts à mourir pour des idéaux : il leur rappelle que, contrairement aux promesses d’éternité et de gloire, leur destin sera celui d’une simple « enseigne lumineuse » exploitée par les intérêts dominants. Ce désenchantement culmine dans une dénonciation de l’Histoire elle-même, qu’il qualifie de « métaphore truquée », où les individus ne sont que des pions dans un jeu qui dépasse leur compréhension.
Avec cet article, Morvan Lebesque livre une réflexion puissante sur la récupération de l’héroïsme et du sacrifice humain. Il démontre comment les institutions, qu’elles soient politiques, religieuses ou commerciales, instrumentalisent les sacrifices des individus pour pérenniser des mythes ou servir des intérêts économiques. Par son ironie et sa profondeur, ce texte invite à une remise en question des discours officiels sur la guerre, la mémoire et le patriotisme.
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