N° 170 du Canard Enchaîné – 1 Octobre 1919
N° 170 du Canard Enchaîné – 1 Octobre 1919
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PLACE AUX JAUNES !
Quand Bordeaux reçoit la Croix de guerre, Le Canard enchaîné applaudit… à sa manière. Dans son édition du 1er octobre 1919, le journal salue avec un sérieux goguenard la décoration de la cité girondine, rappelant que la ville a « remarquablement résisté » à l’invasion en 1914 et 1918… en ouvrant ses hôtels et restaurants au corps diplomatique. Allusion transparente au célèbre Chapon Fin de Charles Gruet, haut lieu bordelais de la gastronomie. Une citation à l’ordre de l’armée où l’héroïsme se mesure aux crus servis et aux chapons rôtis. Le Canard pointe avec jubilation ce mélange de patriotisme officiel et de cocasserie gastronomique.
Et si Clemenceau n’était plus Clemenceau ? Dans un article au vitriol publié le 1er octobre 1919, Paul Vaillant-Couturier joue de la rumeur et du pastiche pour écorner l’image du « Tigre ». Mort ou faux, gâteux ou imposteur, le Père la Victoire devient sous sa plume une marionnette ridicule, manipulée par Mandel et inspirée de « mauvaises lectures ». Le Canard enchaîné signe là un morceau de bravoure satirique qui détourne le théâtre politique en farce grinçante.
Numéro faussement daté du 1er Novembre
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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Avec l’article de Paul Vaillant-Couturier du Canard enchaîné du 1er octobre 1919, le journal donne une nouvelle preuve de sa liberté de ton, mais aussi de sa capacité à manier le grotesque comme arme de critique politique. Sous la plume du jeune écrivain communiste, Georges Clemenceau n’est plus le vieil homme d’État respecté, figure tutélaire de la victoire de 1918, mais un pantin, un faux, un « Clemenceau de remplacement » digne d’une contrefaçon mal ficelée.
L’attaque est audacieuse. Elle joue sur l’ambiguïté : tout le monde sait que Clemenceau n’a évidemment pas été assassiné par l’anarchiste Cottin – il avait seulement été blessé –, mais Vaillant-Couturier prend cette version au pied de la lettre et, par un effet comique, pousse l’absurde jusqu’au bout. Si Clemenceau est mort, alors celui qui parade à la Chambre n’est qu’un imposteur, un vieillard « gâteux », disciple mal inspiré de Rodin, qui n’aurait pour mérite que de servir de paravent à Mandel.
L’ironie atteint son sommet lorsqu’il est question du discours supposément tenu par ce « faux Clemenceau », truffé de clichés et de mauvaises comparaisons, où l’on retrouve la critique classique du Canard : un personnel politique qui répète des formules vides et s’inspire « de mauvaises lectures ». Même le surnom grotesque inventé – « Lotherio », transformé en Mahomet II ou trappeur du Kansas – relève du délire satirique, soulignant le ridicule de la situation parlementaire.
Mais au-delà de la charge humoristique, l’article traduit aussi le climat politique d’un automne 1919 marqué par les querelles internes, l’épuisement du pays et la fragilité d’un gouvernement où Briand « rigole doucement » mais dont « le Cabinet ne tient plus qu’à un fil ». La satire se double d’un constat : la République parlementaire d’après-guerre repose sur des hommes usés, des discours creux, des manipulations transparentes.
Vaillant-Couturier, qui rejoindra quelques années plus tard le Parti communiste et deviendra une figure de la gauche révolutionnaire, montre déjà ici sa verve pamphlétaire et sa capacité à ridiculiser le pouvoir établi. Le Canard lui offre une tribune où l’exagération comique révèle une vérité politique : Clemenceau, héros de la guerre, n’a plus l’éclat d’antan et son autorité vacille.
Cet article illustre parfaitement la manière dont le Canard enchaîné détourne la chronique parlementaire en farce. En faisant mine de croire à la mort du Tigre et à son remplacement par un imposteur sénile, Vaillant-Couturier signe une satire féroce du personnel politique, et au passage, un petit chef-d’œuvre de l’art de l’absurde en politique.

 
      



