N° 1730 du Canard Enchaîné – 16 Décembre 1953
N° 1730 du Canard Enchaîné – 16 Décembre 1953
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Pour y voir clair
Dans une France usée par sept ans de guerre d’Indochine et des scandales à répétition, R. Tréno démonte avec une férocité jubilatoire la mécanique absurde de l’élection présidentielle de la IVᵉ République : candidats fantômes, innocents imaginaires, stratèges du renoncement et maîtres du “je-ne-suis-pas-candidat”. Entre la une et la Mare aux canards, le Canard révèle une République qui choisit son chef comme on tire au sort un survivant. Une lecture indispensable pour comprendre pourquoi, en 1953, la politique ressemblait déjà à une farce – mais une farce qui coûtait cher au pays.
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Le Canard enchaîné du 16 décembre 1953
R. Tréno face à l’élection présidentielle : satire d’un système verrouillé
En décembre 1953, la IVᵉ République arrive à l’un de ses rendez-vous les plus absurdes : l’élection présidentielle au suffrage indirect, terrain privilégié des combinaisons parlementaires, des ambitions étouffées et des candidatures fantomatiques. R. Tréno, plume redoutable du Canard, en offre deux variations complémentaires : en une, la charge « Je vote pour le plus fada ! » ; en page 2, « Pour y voir clair » dans la Mare aux canards. Ensemble, ces deux textes forment une radiographie satirique d’une République qui se cherche un chef comme on tirerait un numéro de loterie.
La IVᵉ République, une machine à fabriquer du “fada”
L’élection présidentielle de 1953 oppose une galerie de prétendants dont la seule unité est l’inconsistance. Le Canard se moque du « plus bête » – selon la célèbre phrase attribuée à Clemenceau – et du « plus innocent », celui qui n’aurait pas encore été compromis dans la longue chaîne des compromissions d’après-guerre. Tréno souligne, avec une ironie lourde d’amertume, qu’en sept ans de régime Auriol, les Français n’ont entendu que trop parler « des affreux scandales, séquelles de la guerre et de l’Occupation » : Indochine, trafic des piastres, affaire des généraux…
Dans ce climat délétère, l’idée d’élire « un innocent », un homme neuf, relève presque du folklore – et Tréno le sait bien. Il pousse la logique jusqu’à l’absurde : cet innocent, surpris par un éventuel succès, se mettrait à dénoncer les bénéficiaires des scandales, renversant la logique habituelle où l’on poursuit le dénonciateur plutôt que le corrompu. Ce serait une révolution – donc, impossible.
“Pour y voir clair” : le guide du parfait candidat fantôme
La chronique de la Mare aux canards systématise la mécanique grotesque de l’élection : les « candidats semi-fantaisistes », les « faux candidats », les « vrais candidats » qui n’osent jamais se déclarer, les « sérieux » qui affirment qu’ils ne le sont pas… Toute la finesse, explique Tréno, consiste à « avoir l’air de ne pas vouloir ce qu’on veut ». Il croque en particulier le cas M.H.Q. (Henri Queuille), spécialiste de la non-décision, poids lourd radical, maître dans l’art d’attendre « l’avant-dernier tour » – celui où l’on se place comme arbitre de la situation.
Cette règle du jeu cynique, chacun la connaît : être candidat sans en avoir l’air, se faire désirer, éviter de prendre position, et n’apparaître que lorsque les adversaires se sont éliminés eux-mêmes. La IVᵉ République est un régime où le “trop de candidats” fabrique l’immobilisme, et où le meilleur joueur n’est pas le meilleur homme d’État, mais celui qui maîtrise le mieux la géométrie variable du Parlement.
Un pays fatigué, une République essoufflée
En filigrane, ces deux articles racontent l’usure d’un système politique incapable de répondre aux crises du moment : la guerre d’Indochine, qui saigne la France depuis sept ans ; les scandales financiers du temps d’Auriol ; la décomposition du paysage parlementaire.
Tréno souligne le décalage immense entre la gravité de la situation et la comédie politique qui se joue à Paris. La petite musique des candidatures n’a rien de drôle : elle témoigne d’un régime impuissant à trancher, à décider, à gouverner.
Le ton sarcastique n’est pas seulement une arme : c’est une manière de dire la détresse d’un pays dont la classe politique semble vivre hors du monde, tandis que les jeunes meurent au Tonkin et que les citoyens attentent vainement un geste d’autorité ou de lucidité.
Conclusion : une satire qui porte loin
Ces deux textes sont exemplaires du meilleur Tréno : vif, cruel, précis, mais toujours accessible. Il montre une République où l’on ne choisit pas un Président : on le fabrique à force de renoncements.
Quelques jours plus tard, l’élection donnera finalement René Coty – preuve ultime que le Canard ne caricaturait pas : c’est bien le système lui-même qui était devenu caricatural.
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