N° 179 du Canard Enchaîné – 3 Décembre 1919
N° 179 du Canard Enchaîné – 3 Décembre 1919
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Qui sera le Président de la Chambre ? M. Vautour ou le Général Ramollot ?
Après les bonnes élections, La Vague de travail. Elle déferle, irrésistible, sur toute l’étendue du territoire.
Sous ce titre prometteur, Maurice Maréchal s’amuse des lendemains électoraux. Le Bloc national, victorieux, est censé avoir sonné la fin de la paresse et de l’indolence post-armistice. Miracle : imprimeurs, mineurs, cafetiers, cheminots, tout le monde se remettrait à l’ouvrage, comme galvanisé par le scrutin du 16 novembre. Mais derrière ce tableau satirique d’une France ragaillardie se dessine une critique mordante : ce n’est pas la vertu civique qui met le pays en branle, mais l’illusion politique qu’une élection suffirait à guérir la crise sociale.
L’accident rêvé, dessin de Bour
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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Dans « La Vague de travail », publié le 3 décembre 1919, Maurice Maréchal déploie une ironie d’une redoutable efficacité pour dépeindre l’après-scrutin. Le Bloc national a triomphé lors des élections législatives de novembre, et voici que, comme par enchantement, la France tout entière se remettrait à travailler. L’article croque avec jubilation cette illusion, où la victoire des « bons ouvriers » parlementaires suffirait à dissiper la torpeur accumulée depuis l’armistice.
Maréchal commence par rappeler la situation : depuis 1918, la fatigue, le désarroi, et le désordre économique ont nourri une vague de paresse qui menaçait jusqu’à l’essence même de la société. Les appels au labeur résonnaient en vain, tant le pays semblait enlisé dans la léthargie. Mais, à l’entendre, les résultats électoraux du 16 novembre auraient opéré un miracle : à peine les urnes refermées, « la vague de travail » déferle sur toute la France.
La satire se déploie par une série de vignettes : dans les imprimeries, les typographes « se jettent passionnément sur le labeur » ; au café, les clients se couchent tôt pour se lever frais et dispos ; les théâtres et cinémas se vident soudain, faute de spectateurs dissipés ; jusque dans les ministères, chacun se frotte les mains à l’idée d’une reprise du travail national. Cette exagération volontaire révèle la mécanique du Canard : dénoncer, par l’absurde, la récupération politique du moindre effort collectif.
Car derrière l’humour, la critique est acérée. Maréchal souligne l’écart abyssal entre la rhétorique du Bloc national et la réalité du pays : chômage, grèves, inflation et désordre social persistent, malgré le discours triomphaliste des nouveaux élus. L’idée qu’un scrutin suffirait à « remettre la France au travail » apparaît pour ce qu’elle est : un conte à dormir debout, destiné à calmer les inquiétudes et à glorifier le pouvoir en place.
Avec « La Vague de travail », le Canard déchaîné ridiculise donc la foi naïve en la vertu magique des élections. Ce n’est pas la victoire parlementaire qui sortira le pays de la crise, mais bien les luttes concrètes, les revendications ouvrières et les réalités économiques. En mettant en scène cette « France nouvelle », soudain studieuse, Maréchal révèle l’artifice d’un récit officiel qui veut croire au miracle politique là où il n’y a que désordre à gérer.

 
      



