N° 1803 du Canard Enchaîné – 11 Mai 1955
N° 1803 du Canard Enchaîné – 11 Mai 1955
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L’article intitulé « Monsieur Mystère », signé par R. Tréno et paru dans Le Canard enchaîné le 11 mai 1955, s’inscrit dans une critique acerbe du système politico-industriel de la Quatrième République, en s’attardant particulièrement sur la figure de Marcel Dassault (anciennement Marcel Bloch). Ce texte, intitulé aussi « Au pays du mufle », mêle satire et dénonciation pour souligner des collusions entre pouvoir politique et industriel, tout en dévoilant des pratiques douteuses et des contradictions morales.
L’article commence par une mise en lumière de la transformation nominale de Marcel Bloch, constructeur aéronautique, en Marcel Dassault. Ce changement de nom, qualifié ironiquement de « Bloch-icide », aurait permis à l’industriel de se dissocier de son passé pour adopter une identité plus avantageuse, renvoyant au pseudonyme utilisé dans la Résistance (Dassault étant une référence à l’arme « char d’assaut »). Tréno ne manque pas de souligner l’ironie d’un homme qui, par décret officiel en 1946 puis en 1954, a entrepris de reconstruire son identité de manière opportuniste.
L’article tourne en dérision cette quête de respectabilité en évoquant la famille « rebaptisée » par Dassault, ainsi que sa gestion financière et politique. L’éditorialiste lui attribue un « bloc de granite à la place du cœur », une formule qui résume la critique d’un comportement insensible et matérialiste.
Tréno enchaîne sur les contrats juteux obtenus par Dassault auprès de l’État, notamment pour la production d’avions militaires tels que le célèbre Mystère IV. Ces contrats, représentant des sommes astronomiques (72,5 milliards de francs à fin 1954), sont décrits comme symptomatiques d’un système où les intérêts industriels dictent les décisions publiques. La satire vise également la dépendance de l’aviation française à du matériel américain, un paradoxe que Tréno ne manque pas de souligner.
L’article s’attarde ensuite sur un épisode précis : la mort du pilote d’essai Constantin Rozanoff en 1954, lors d’un vol d’essai pour Dassault. Tréno dénonce l’indifférence apparente de l’industriel envers ce drame, illustrée par une anecdote glaçante : les amis de Rozanoff souhaitant élever un monument à sa mémoire sont éconduits sèchement par le gérant de Dassault, à qui il est attribué cette réponse : « Si l’avion n’a pas de pièces détachées, ça ne me regarde pas. »
La manière dont cet incident est traité, avec un mélange d’humour noir et d’indignation, souligne les pratiques déshumanisantes dans un système dominé par des logiques de profit. Dassault, présenté comme insensible et purement intéressé, est caricaturé en « Isidore Lechat dans la clandestinité », une référence au personnage avide d’argent de la pièce de Mirbeau.
Enfin, l’article élargit sa critique à un système politique qui permet à des industriels comme Dassault de cumuler les casquettes de député et de fournisseur de l’État, un mélange des genres jugé scandaleux par Tréno. La Quatrième République est qualifiée de « République de la betterave », un régime gangrené par les intérêts privés et les lobbys.
R. Tréno utilise un ton sarcastique et un style ciselé pour rendre sa critique à la fois percutante et divertissante. Les jeux de mots, les références littéraires et les caricatures visuelles (notamment le dessin représentant un Dassault à la fois cupide et caricatural) renforcent l’impact du propos.
Cet article, derrière son apparente légèreté, constitue une charge puissante contre les dérives d’un système où le mélange des genres entre politique et affaires compromet les idéaux républicains. Marcel Dassault, figure emblématique de cette collusion, est ici présenté comme le symbole d’une République à la dérive, où les intérêts privés priment sur le bien commun.
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