N° 182 du Canard Enchaîné – 24 Décembre 1919
N° 182 du Canard Enchaîné – 24 Décembre 1919
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Noël ! Noël ! Voici le Percepteur ! …
Économisons
Dans son billet « Économisons », paru à la une du Canard déchaîné du 24 décembre 1919, Roland Catenoy raille la promesse officielle « L’Allemagne paiera ! » et la lourde réalité des impôts qui s’abattent sur les Français. Avec une ironie mordante, il propose aux contribuables des recettes absurdes pour « gagner » face aux taxes nouvelles, depuis la consommation de pain jusqu’à l’écriture intensive de lettres. Une satire grinçante des illusions d’après-guerre et du cynisme fiscal.
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Le texte de Roland Catenoy, publié en une du Canard déchaîné du 24 décembre 1919 sous le titre « Économisons », illustre à merveille l’art du journal satirique : démonter les promesses politiques en les confrontant à la vie quotidienne des contribuables. La cible ici est limpide : la fameuse formule de Clemenceau, « L’Allemagne paiera », brandie comme un slogan depuis l’armistice et répétée avec un sérieux ministériel par Poincaré, Klotz et d’autres. Officiellement, il s’agissait de rassurer un pays exsangue : le vaincu paierait les réparations, et la France n’aurait rien à craindre.
Mais, fin 1919, les contribuables découvrent que la réalité est toute autre. L’article de Catenoy feint de croire à la parole gouvernementale : si payer revient à « reconnaître qu’on est un traître ou un prussien », alors l’impôt est une hérésie patriotique. Poussé jusqu’à l’absurde, ce raisonnement dévoile sa vraie cible : la mauvaise foi d’un pouvoir qui promet tout en préparant de lourdes ponctions fiscales.
La satire s’exprime surtout par un catalogue de « recettes » dérisoires proposées aux lecteurs. L’augmentation du prix du timbre ? Qu’à cela ne tienne : écrivons moins souvent, ou plutôt écrivons sans cesse pour transformer la correspondance en revenu de substitution ! La hausse du prix du pain ? Quelle aubaine : chaque kilo plus cher devient une économie pour celui qui en mange moins… Quant aux familles nombreuses, elles peuvent se réjouir : les appétits de leurs enfants permettront de compenser le loyer.
Catenoy pousse le comique jusqu’au paradoxe ultime : le gouvernement voudrait taxer aussi les anciens combattants revenus du front, ceux-là mêmes qui ont risqué leur vie cinquante-deux mois durant. Là, la moquerie se teinte d’indignation. Car au-delà du trait humoristique, l’article exprime le ras-le-bol d’une population déjà pressurée par la vie chère, et désormais sommée de contribuer à un effort fiscal qui contredit les promesses officielles.
En proclamant à la fin : « Pour moi, je suis revenu, mais j’affirme hautement que je ne paierai pas ! », l’auteur joue à la fois le rôle du soldat révolté et du citoyen moqueur. Ce cri ironique résume l’état d’esprit d’une France lucide : l’Allemagne paiera peut-être, mais d’ici là, ce sont les Français qui passent à la caisse.
« Économisons » est ainsi un parfait exemple de la double fonction du Canard déchaîné : faire rire par l’absurde, mais aussi pointer l’écart grandissant entre slogans officiels et dure réalité sociale.

 
      



