Le texte de R. Tréno, intitulé « Les conformistes ! », publié dans Le Canard enchaîné du 23 mai 1956, est un véritable pamphlet contre l’attitude de ceux qui, face au drame algérien, choisissent le confort d’un conformisme aveugle et bien-pensant. Jouant sur une anaphore répétitive — « Heureux sont ceux… » —, l’auteur dresse une galerie de portraits de ces individus, volontiers aveugles aux complexités et aux injustices de leur époque.

Sous sa plume acérée, il fustige les colonialistes, les anti-colonialistes doctrinaires, les opportunistes politiques, les étudiants d’Alger pleurant sur leurs privilèges, ou encore ceux qui ne voient en l’Algérie qu’un espace d’abstractions, ignorant les réalités humaines. Il raille avec mordant ceux qui célèbrent Jeanne d’Arc sur les terres algériennes tout en fermant les yeux sur les martyrs contemporains, et il condamne sans détour les nationalismes exacerbés, qu’ils soient portés par des oppresseurs ou des révolutionnaires.

L’article ne se limite pas à critiquer : il met en lumière l’absurdité et l’inhumanité des guerres, dénonçant avec force l’indifférence face au sang versé et les calculs intéressés qui alimentent les conflits. En quelques lignes, R. Tréno réussit à interroger non seulement les acteurs du drame algérien, mais aussi les observateurs passifs et les citoyens, rappelant que, derrière les slogans et les idéologies, il y a des vies humaines brisées.

Avec son ton sarcastique et sa lucidité implacable, ce texte s’inscrit pleinement dans la tradition du Canard enchaîné, celle d’un journal engagé, qui refuse de transiger avec les vérités inconfortables.