L’article signé par Gabriel Macé dans Le Canard enchaîné du 5 décembre 1956, intitulé « Le collège unique triomphe à Melbourne« , s’inscrit dans le contexte des Jeux olympiques de Melbourne, où Alain Mimoun, athlète d’origine algérienne, remporte une victoire éclatante au marathon. Ce triomphe, salué comme une fierté nationale française, est habilement utilisé par l’auteur pour dénoncer les paradoxes de la politique française en Algérie, alors en pleine guerre.

Mimoun, présenté comme « l’Oranais », est érigé en symbole de l’intégration réussie, au moment où la France s’enlise dans un conflit colonial sanglant avec l’Algérie. L’article souligne le contraste entre les honneurs accordés à Mimoun et le sort des Algériens dans leur ensemble, à qui le « collège unique » – symbole d’égalité éducative et sociale – reste un horizon lointain. Par une ironie subtile, Macé évoque les félicitations officielles de René Coty, président de la République, tout en notant l’absence de message similaire de Guy Mollet, alors président du Conseil, occupé à d’autres affaires.

Le texte juxtapose le « conte de fées » que représente la victoire de Mimoun à la dure réalité d’une Algérie marquée par les inégalités et les violences. Il invite à rêver que, comme Mimoun sur le podium olympique, les jeunes Algériens puissent un jour accéder à une égalité de droits et de chances grâce à l’éducation. Cependant, cette perspective semble relever, pour l’auteur, de la pure fiction, tant les blocages politiques et sociaux sont profonds.

L’article s’inscrit également dans une période où les symboles prennent une dimension exacerbée. Le drapeau français hissé à Melbourne contraste avec les tensions autour du drapeau algérien, brandi par les indépendantistes, et soulève des questions sur l’appartenance et l’identité. À travers le cas de Mimoun, Macé interroge ainsi la sincérité des valeurs d’unité et d’égalité prônées par la République française.

Cet article, au-delà de son ton caustique, reflète les fractures d’une époque où le sport, souvent instrumentalisé, devient un terrain symbolique des luttes politiques et identitaires.