N° 1888 du Canard Enchaîné – 26 Décembre 1956
N° 1888 du Canard Enchaîné – 26 Décembre 1956
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« À usage interne » de R. Tréno, publié dans Le Canard Enchaîné du 26 décembre 1956. Dans cet article au titre ironique, R. Tréno revient sur une dépêche du Figaro qui annonce le rétablissement de l’internement sans jugement en Hongrie, dans le sillage de la répression soviétique après l’insurrection de Budapest. Tréno, fidèle à l’esprit critique du Canard, pointe du doigt une hypocrisie patente : alors que la France s’indigne, à juste titre, de ces méthodes autoritaires à l’Est, elle applique dans ses colonies, notamment en Algérie, des mesures comparables dans le cadre de la « pacification ».
L’auteur illustre son propos en relatant une anecdote bouleversante sur un couple d’instituteurs français, les Dupont, travaillant en Kabylie. Leur engagement sincère et humaniste auprès des populations locales ne les met pas à l’abri de la suspicion des autorités coloniales. Accusés sans preuves d’être des « complices » des rebelles, ils sont arrêtés et envoyés dans un camp d’internement, mêlés à d’autres victimes de la répression coloniale. Ce récit personnel donne un visage humain à une politique souvent décrite de manière abstraite, soulignant l’injustice et la brutalité des pratiques administratives françaises.
En 1956, deux crises internationales majeures agitent l’opinion publique française : la répression sanglante de l’insurrection hongroise par les chars soviétiques en novembre, et la guerre d’indépendance algérienne, marquée par une intensification de la violence des deux côtés. L’article de Tréno met en parallèle ces deux contextes pour dénoncer les contradictions françaises : comment s’indigner de la dictature communiste en Europe tout en pratiquant des politiques similaires dans les colonies ?
Cette double échelle morale est emblématique d’une époque où la France cherche à concilier son rôle dans le bloc occidental, attaché à des valeurs de liberté, et son refus de céder aux mouvements de décolonisation qui mettent en cause son empire.
Tréno adopte une rhétorique mordante et sarcastique, mais son propos est appuyé par une démonstration factuelle et une charge émotionnelle forte, notamment dans la description des Dupont. L’ironie est omniprésente, notamment dans les mentions au Figaro et à son slogan : « Sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur ». Cette critique vise à souligner la complaisance de certains médias dans le traitement des injustices coloniales.
Tréno termine sur une note plus universelle, citant Jules Vallès et Anatole France pour rappeler que la lutte contre l’injustice ne doit pas être conditionnée par l’idéologie ou la géographie. Cette conclusion invite à une réflexion profonde sur la nature de la justice et la responsabilité morale des États, bien au-delà des clivages de la guerre froide.
Cet article est un exemple parfait de la manière dont Le Canard Enchaîné combine humour, érudition et indignation pour éveiller la conscience de ses lecteurs face aux contradictions de leur époque. Une plume qui, malgré les décennies, résonne encore aujourd’hui.
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