« Séoud aux U.S.A. ou : le champion du golf » – Le Canard Enchaîné du 6 février 1957 – Dans cet article, Le Canard Enchaîné ironise sur la visite aux États-Unis de Sa Majesté Abdul Aziz Séoud Ibn Séoud, le roi d’Arabie Saoudite, en dressant une satire mordante des relations pétrolières et géopolitiques entre le royaume saoudien et l’Occident. L’article éclaire une époque où les alliances énergétiques se tissent au prix de compromis financiers et diplomatiques considérables, au détriment des apparences souveraines.

L’article s’ouvre sur la venue de Séoud, figure emblématique d’un « royaume arabe indépendant » qui, en réalité, vit sous la dépendance économique et militaire des États-Unis. La satire repose sur les liens indissociables entre l’Arabie Saoudite et les grandes compagnies pétrolières américaines, notamment l’Arabian-American Oil Company (ARAMCO). Les Américains, symbolisés par une caricature où l’on imagine un pipeline reliant Washington à Riyad

Sous couvert de négociations officielles, c’est bien une dynamique marchande qui se dessine. Le Canard ne manque pas de souligner le déséquilibre flagrant entre les « cadeaux » offerts par Séoud (cartouches de chasse et concession pétrolière de 99 ans) et les intérêts stratégiques qu’il espère obtenir en retour : le soutien militaire et politique des États-Unis. Cette dépendance est accentuée par les critiques implicites à l’égard de la France, incapable de concurrencer les Américains sur ce terrain.

L’article fait également un parallèle ironique avec l’émergence de Nasser, qui incarne une voie arabe plus autonome et résolue face aux puissances occidentales. Alors que Séoud « lait de chèvre sous les lambris de la Maison Blanche », l’opposition de Nasser aux intérêts occidentaux est mise en lumière, ajoutant une dimension idéologique à la rivalité entre ces deux figures du monde arabe.

L’évocation des 65 millions de tonnes de pétrole exploitées annuellement par ARAMCO montre l’ampleur des enjeux économiques derrière cette diplomatie ostentatoire. L’accent est mis sur les pratiques néocoloniales des multinationales, qui exploitent les ressources locales tout en influençant profondément la politique intérieure et les alliances de ces pays producteurs.

L’ironie mordante du Canard repose sur l’image d’un roi qui, malgré ses prétentions souveraines, se trouve tributaire des décisions de Washington. Cette relation asymétrique est illustrée par l’idée que Séoud ne peut résister à la pression américaine, même pour défendre les intérêts de son propre royaume.

« Séoud aux U.S.A. ou : le champion du golf » dresse un tableau caustique des relations entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis dans le contexte de la Guerre froide et de la crise énergétique mondiale. Le Canard Enchaîné met en lumière, avec son style inimitable, les enjeux stratégiques et économiques qui sous-tendent ces alliances, tout en dénonçant l’assujettissement des pays producteurs de pétrole à des intérêts étrangers. À travers cet article, c’est une critique globale des dépendances géopolitiques de l’époque qui transparaît, avec un écho toujours actuel sur les déséquilibres du monde énergétique.