N° 215 du Canard Enchaîné – 11 Août 1920
N° 215 du Canard Enchaîné – 11 Août 1920
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La Journée balnéaire – Compte rendu analytique
Dans son édition du 11 août 1920, Le Canard enchaîné confie sa plume acérée à Georges de La Fouchardière. Sous le titre ironique La Journée balnéaire, il brosse un tableau savoureux des vacanciers de l’après-guerre. Loin des clichés idylliques, la plage devient le théâtre d’un défilé de snobs, de militaires à la retraite, de diplomates fatigués et de familles engoncées dans leurs rites mondains. Entre crevettes hors de prix, bains surveillés et ridicules ambitions sociales, La Fouchardière dresse un portrait grinçant de cette société qui s’offre des congés, mais peine à masquer ses travers.
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L’article de Georges de La Fouchardière, publié en page 2 du Canard enchaîné du 11 août 1920, est un petit chef-d’œuvre de satire sociale. Sous l’apparente légèreté d’un « compte rendu analytique » d’une journée à la plage, l’auteur met en scène une galerie de personnages caricaturaux qui disent beaucoup de la France de l’immédiat après-guerre.
Nous sommes deux ans après l’armistice. La société française est encore marquée par la guerre, mais elle aspire à retrouver une normalité. Parmi les signes de cette reprise, les congés d’été prennent une place croissante, même si leur pratique reste réservée à une bourgeoisie fortunée. La Fouchardière s’empare de cette mode et en révèle les ridicules.
Son récit est construit comme un emploi du temps précis, scandé par les heures : 8 heures, 9 h 30, midi, 13 h 10, 17 heures… mais chaque scène révèle un décalage comique. À 8 heures, le « vieux loup de mer » déguisé en navigateur de pacotille scrute l’horizon avec sa jumelle de théâtre. À 9 h 30, un groupe d’« explorateurs » sort du palace en sandales et chapeaux tyroliens, prêts à escalader des rochers comme s’il s’agissait d’une expédition himalayenne. Au déjeuner, l’omelette paraît extraordinaire, mais plus elle est fade, plus elle est jugée « chic ». Quant aux familles, elles se distinguent moins par leur détente que par la minutie de leur mise en scène.
La moquerie vise avant tout la prétention sociale. Dans cette plage imaginaire, chacun semble tenir un rôle : l’ancien officier ressasse ses souvenirs héroïques, le diplomate distribue des banalités, la dame du Matin lit consciencieusement son journal pour « acquérir une sainte robustesse ». La mer, censée être un espace de liberté, devient un décor où se rejouent les hiérarchies et les travers d’une société obsédée par son image.
Mais derrière le sourire se devine aussi une critique plus profonde. Ces vacanciers, qui surjouent l’aventure et la distinction, incarnent une bourgeoisie coupée des réalités. Tandis que d’autres souffrent encore du rationnement ou de la vie chère, ces privilégiés s’offrent une « journée balnéaire » réglée comme un rituel mondain. La Fouchardière souligne ainsi l’écart grandissant entre une élite en quête de distractions et une population encore marquée par les privations.
En somme, l’article illustre parfaitement la force satirique du Canard enchaîné : derrière l’anecdote légère, il dévoile les hypocrisies d’une société en reconstruction.