N° 220 du Canard Enchaîné – 15 Septembre 1920
N° 220 du Canard Enchaîné – 15 Septembre 1920
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Comment on a su que M. Poincaré renonçait à l’Elysée
En septembre 1920, Le Canard enchaîné revient, sous la plume de Coriem, sur la décision de Raymond Poincaré de ne pas briguer l’Élysée. Entre récit burlesque dans un bistrot et citations apocryphes où l’ancien président se moque de lui-même, le journal détourne une décision politique majeure en saynète de boulevard. Une façon ironique de rappeler qu’après Deschanel, la République cherchait encore son équilibre, entre lassitude politique et intrigues de couloirs.
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L’article de Coriem du 15 septembre 1920 illustre à merveille la manière dont Le Canard enchaîné transforme les grands événements politiques en scènes de comédie. La renonciation de Raymond Poincaré à se présenter à la présidence de la République, événement sérieux dans la vie institutionnelle française, devient ici une anecdote de café du commerce.
Le texte met en scène Poincaré attablé dans un petit bar parisien, conversant familièrement avec des habitués. Cette mise en contexte volontairement triviale rabaisse l’ancien chef de l’État à la condition d’un citoyen ordinaire, fatigué, qui savoure son « petit bordeaux blanc ». La satire joue sur le contraste entre le poids des responsabilités passées – Poincaré fut l’homme de la Grande Guerre, président de 1913 à 1920 – et le ton léger, presque potache, que lui prête Le Canard.
Coriem exploite également la tradition française de l’humour autour de la folie des dirigeants. Après la chute de Paul Deschanel, caricaturé comme fou pour avoir sombré dans la dépression et quitté l’Élysée, l’article imagine Poincaré rappelant à demi-mot l’instabilité de ses prédécesseurs : Charles VI « complètement fou », Mac-Mahon ridiculisé, et Deschanel lui-même, « idiot » aux yeux des rieurs. En s’incluant dans cette galerie de dirigeants malchanceux, Poincaré devient à son tour un personnage de farce.
Mais derrière la blague se cache une réalité politique plus lourde. La France de 1920 sort à peine de la guerre et traverse une période d’instabilité : l’opinion est lassée, les scandales s’accumulent, et la République parlementaire peine à trouver un président durable. Poincaré, figure de rigueur et de nationalisme, préfère se retirer, non sans ironiser sur son nouveau métier : journaliste au Matin, payé à commenter l’actualité. En prêtant à Poincaré des propos désabusés – « Je n’ai pas grand-chose à faire, ça me fait plaisir » – Coriem souligne la crise de légitimité d’une République où même les anciens présidents finissent chroniqueurs de presse.
Cet article illustre bien le rôle du Canard enchaîné dans les années 1920 : désacraliser les institutions, rappeler que les « grands hommes » sont aussi des personnages faillibles, et transformer les affaires d’État en sketches populaires. La renonciation de Poincaré, loin d’être traitée comme une tragédie nationale, devient une pochade de comptoir. Une manière d’exorciser, par le rire, le malaise d’une France fatiguée, encore secouée par la guerre et par l’épisode Deschanel.