N° 238 du Canard Enchaîné – 19 Janvier 1921
N° 238 du Canard Enchaîné – 19 Janvier 1921
Le prix initial était : 79,00 €.35,00 €Le prix actuel est : 35,00 €.
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Boustifes, Appellations d’origine
Entre une leçon de « science pour tous » façon Whip, qui s’amuse des mystères des vitamines, et un billet saluant la défense des appellations d’origine, Le Canard enchaîné du 19 janvier 1921 dénonce les travers de son temps. D’un côté, la crainte de se faire berner par de faux Chablis, de l’autre, le dilemme existentiel de devoir avaler cru biftecks et petits pois pour survivre ! Deux textes qui révèlent l’humour d’un journal toujours prompt à mêler science, gastronomie et satire politique.
découpe nette d’un coupon jeu « Concours du Canard, La revue à clef » à renvoyer au journal à l’angle bas de la page 3 (de 9 x 13 cm)
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Le numéro du 19 janvier 1921 illustre à merveille la diversité des registres. À deux pages d’intervalle, le lecteur passe de l’économie agricole à la pseudo-science alimentaire, toujours sous le signe de l’ironie.
En page 2, l’article « Appellations d’origine » prend appui sur un jugement du tribunal d’Auxerre, qui reconnaît enfin que seuls les vins produits à Chablis pourront revendiquer le titre de « Vin de Chablis ». C’est une étape importante dans la mise en place des appellations d’origine, dont la loi de 1919 jetait les bases. Le Canard applaudit, mais en profite pour élargir la cible : « qu’on nous épargne aussi les haricots de Soissons venus de Brie, le brie fabriqué à Montélimar, ou les rillettes produites à Montauban ». On retrouve ici une dénonciation des tromperies commerciales, qui jouent sur la réputation des terroirs pour écouler des produits sans légitimité. L’ironie se glisse partout : « pensez-vous que tout les pâtés que l’on vous vend sont vraiment des pâtés de Foix, comme honnêtement ils devraient l’être ? » La critique vise autant le commerce trompeur que les illusions d’un public berné. Dans l’après-guerre, où la qualité alimentaire et la protection des productions régionales deviennent des enjeux politiques et économiques, le journal se fait le porte-voix des consommateurs.
En page 4, Whip (pseudonyme de Géo Friley) signe sa chronique « Boustifes » dans la rubrique « La science pour tous ». Le ton est moqueur dès l’abord : « La vitamine, quoi c’est ça ? Un stylo à musique ? Une auto Citroën ? » Au lendemain de la découverte des vitamines par la science médicale (le mot apparaît en 1911 et gagne le grand public dans les années 1920), l’auteur se plaît à caricaturer les débats savants. Il rappelle qu’on nous dit que les vitamines sont détruites par la chaleur, ce qui conduit à une conclusion absurde : pour vivre, il faudrait manger cru biftecks, haricots et petits pois ! La logique de Whip pousse à l’absurde les annonces scientifiques, jusqu’à déclarer que, si les savants ont raison, « nous sommes tous morts ». Le comique naît de ce décalage entre les discours savants et le bon sens populaire, et c’est tout un scepticisme envers la « science officielle » qui affleure, dans une époque où elle prétend régenter jusqu’à l’assiette des citoyens.
Ces deux textes se répondent d’ailleurs subtilement : l’un dénonce les faux produits qui usurpent des noms prestigieux, l’autre se gausse des fausses vérités scientifiques qui prétendent dicter nos régimes alimentaires. Au cœur de la satire, il y a toujours la table, reflet de l’époque : en 1921, la France sort d’une guerre qui a bouleversé les habitudes alimentaires, relancé les fraudes et ouvert grand les débats sur nutrition et authenticité.
Le Canard, fidèle à son style, mélange alors humour et vigilance citoyenne. Car derrière la plaisanterie, il rappelle une exigence : que l’on sache ce que l’on mange, d’où cela vient, et ce que valent réellement les discours qui l’entourent. Un programme encore très actuel.

 
      



