Vingt ans et treize mois…

Quand la « Nouvelle Société » se paye du foie gras… et des têtes

On n’envoie plus les Jean Valjean au bagne pour un quignon de pain, mais l’injustice sait encore frapper fort. Henri Jeanson raconte l’histoire de Frédérique Delange, vingt ans, condamnée à treize mois de prison ferme et 3 000 francs d’amende pour avoir, avec des amis, chapardé foie gras et bouteilles de vin fin chez Fauchon, destinés aux bidonvilles. Une peine lourde, presque théâtrale, comme pour punir une insolence symbolique plus que le délit lui-même.

Le pamphlet de Jeanson oppose cette sévérité à l’indulgence envers les puissants : pendant qu’une étudiante dort en prison, à l’autre bout de la ville, Pompidou régale le ministre italien Aldo Moro de Romanée-Conti. L’ironie est mordante : on sermonne la jeunesse pour quelques terrines, mais on trinque sans scrupule entre grands de ce monde.

Avec sa verve acérée, Jeanson dénonce une justice qui s’acharne là où elle peut, et qui détourne pudiquement les yeux quand il faudrait frapper plus haut. Vingt ans et treize mois : l’âge de l’indignation, face à un monde où l’ordre établi sait toujours bien choisir ses cibles.