Paru le 8 juillet 1970, ce texte de Morvan Lebesque résonne aujourd’hui comme un poignant adieu involontaire. Fidèle à son rituel, le chroniqueur avait laissé à la rédaction plusieurs articles d’avance avant de s’envoler pour Rio de Janeiro, où il devait réaliser un reportage. Il n’en reviendra pas : frappé par un infarctus dans les rues de Rio, il meurt peu après son arrivée, laissant ses lecteurs orphelins d’une plume à la fois incisive et fraternelle.
Dans « N’avez-vous rien oublié ? », Lebesque mêle méditation personnelle et implacable réquisitoire. Du voyageur distrait au citoyen oublieux, il dresse le portrait d’une France prompte à tourner la page sur ses fautes, de l’Inquisition à l’Algérie, en passant par la censure et la répression contemporaines. À travers une litanie de « remords » et d’exemples, il dénonce la complaisance envers les régimes autoritaires, la passivité face aux injustices, et l’oubli comme arme politique.
Le billet de Une souligne l’ironie cruelle : cet article, conçu comme une douce « autocritique » avant un long voyage, prend des allures de testament journalistique. Jusqu’au bout, Lebesque aura parlé vrai, mêlant indignation, humour et fidélité à ses convictions.