N° 26 du Canard Enchaîné – 27 Décembre 1916
N° 26 du Canard Enchaîné – 27 Décembre 1916
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Nos buts de guerre
Dans son numéro du 27 décembre 1916, Le Canard enchaîné détourne la rhétorique solennelle des diplomates et des parlementaires. Tandis que l’Europe s’interroge sur les conditions d’une paix future, le journal énonce ses propres « buts de guerre » : suppression des loyers et des propriétaires, pinard gratuit pour tous les mobilisés, abolition des élections, cinéma obligatoire pour la jeunesse… et maintien de Gustave Hervé à la tête de La France de l’étranger. Avec cet inventaire farfelu, l’hebdomadaire raille les grands discours programmatiques en rappelant qu’après trente mois de conflit, l’arrière se soucie surtout de survie quotidienne et de dérision.
Couac ! présente le dessin original* « La Douce Dulcinée » publié en page 2 de ce numéro et rehaussé à l’aquarelle, dessin de Lucien Laforge
Pour ne pas offenser sa mère, dessin de Luc Cyl –
* Les dessins originaux ne sont pas proposés à la vente
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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Le 27 décembre 1916, Le Canard enchaîné s’empare d’un thème brûlant : la définition des « buts de guerre », alors largement débattue par les chancelleries et les assemblées. Tandis que les diplomates jonglent avec des formules grandiloquentes sur la paix future et les territoires à reconquérir, le journal satirique propose sa propre version, résolument ironique.
La première revendication donne le ton : la suppression des loyers et, si possible, des propriétaires eux-mêmes. Depuis le début de la guerre, le non-paiement des loyers s’est imposé comme une pratique tolérée, allégeant la vie des familles. Pourquoi, demande le Canard, faudrait-il y renoncer après la victoire ? De même, le pinard gratuit pour les mobilisés, institué comme ration quotidienne, est présenté comme une conquête sociale irrévocable.
La satire se poursuit avec la suppression des élections législatives et académiques. Depuis 1914, le pays vit sans renouvellement parlementaire ; les députés prorogés siègent sans contestation. Quant aux académiciens, leur absence n’a pas empêché la langue de tourner. Conclusion ironique : pourquoi reprendre ces coûteuses habitudes ?
Le point le plus extravagant est sans doute la proposition de rendre le cinéma obligatoire pour les enfants, instrument d’éducation militaire et hygiénique aussi bien que distractif. Enfin, cerise sur le gâteau, le Canard réclame de maintenir Gustave Hervé à la tête de son journal La France de l’étranger : clin d’œil aux volte-face idéologiques de l’ancien antimilitariste, devenu patriote enragé.
Cet article illustre parfaitement la stratégie du Canard : utiliser le rire et l’absurde pour révéler l’inanité des grands débats politiques. Derrière la fantaisie, il rappelle que la guerre a produit des réalités sociales nouvelles (loyers suspendus, rationnement, vin quotidien, parlement paralysé) que beaucoup jugent plus concrètes que les promesses diplomatiques. En un mot : les vrais buts de guerre, ce sont ceux du quotidien.
Décembre 1916 : la guerre et les « buts de guerre »
Un tournant du conflit
Fin 1916, la Première Guerre mondiale dure depuis plus de deux ans et demi. Verdun et la Somme ont laissé des centaines de milliers de morts et blessés sans résultat décisif. L’opinion publique, en France comme en Allemagne, commence à réclamer des perspectives de sortie.
Les propositions de paix allemandes
Le 12 décembre 1916, le chancelier allemand Bethmann-Hollweg propose d’ouvrir des négociations. Derrière ce geste diplomatique se cache surtout une manœuvre : Berlin veut apparaître comme la puissance raisonnable, tout en gardant la main sur les territoires occupés en Belgique, en France du Nord et en Pologne.
L’intervention de Wilson
Le président américain Woodrow Wilson, encore officiellement neutre, adresse le 18 décembre une note aux belligérants pour leur demander de préciser leurs « buts de guerre » : quelles conditions jugent-ils nécessaires pour mettre fin au conflit ? Cette initiative marque une première intervention diplomatique américaine avant l’entrée en guerre des États-Unis en avril 1917.
La réponse française
En France, la classe politique reste intransigeante : pas de paix sans restitution de l’Alsace-Lorraine et des territoires occupés, et pas de négociation directe avec Berlin. Mais le débat sur les « buts de guerre » s’installe : parlementaires, diplomates et journalistes multiplient les déclarations.
La satire du Canard
C’est dans ce contexte que Le Canard enchaîné, le 27 décembre 1916, publie son pastiche. En énonçant des « buts » farfelus (loyers supprimés, pinard gratuit, fin des élections, cinéma obligatoire…), il se moque des grands discours programmatiques et rappelle que, pour la population, les véritables acquis de la guerre ne sont pas territoriaux mais sociaux et matériels.

      





