N° 2707 du Canard Enchaîné – 13 Septembre 1972
N° 2707 du Canard Enchaîné – 13 Septembre 1972
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Affaire Aranda : le Canard ouvre le bal
Une odeur de pourris – Premières révélations
En pleine tourmente post-Munich, Le Canard enchaîné lâche une bombe inattendue : un haut fonctionnaire, Gabriel Aranda, débarque au siège du journal pour dénoncer les compromissions de l’État. Dans ses mains, une liasse de documents explosifs sur l’« opération Archanges », où l’odeur des Mirages vendus à la Libye se mêle à celle de la corruption ministérielle. Dès le 13 septembre 1972, l’affaire Aranda éclot sous la plume d’Hervé Terrace, et ce n’est que le début d’un long scandale politico-financier.
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Nettoyer les écuries
Le 13 septembre 1972, Le Canard enchaîné consacre une large place à une affaire qui, sur le moment, ne porte pas encore son nom : l’« opération Archanges ». C’est le point de départ de ce qui deviendra quelques mois plus tard l’« affaire Aranda ».
Tout commence deux jours auparavant, le 11 septembre, lorsque Gabriel Aranda, conseiller technique auprès du ministre de l’Équipement et du Logement, franchit la porte du siège du journal, rue Saint-Honoré. Reçu par Hervé Terrace, il apporte avec lui des documents confidentiels attestant de manœuvres troubles liées aux exportations d’armes françaises vers la Libye.
Dès son édition du 13 septembre, Le Canard met en lumière cette « odeur de pourris » qui imprègne les ministères. Dans un style incisif, Terrace dénonce la prolifération des « photocopies » de notes, rapports et dossiers, qui révèlent une France officielle prête à sacrifier sa mission « pacifique » pour de juteux contrats d’armement. À travers la voix d’Aranda, le journal dépeint un État miné par la cupidité, où les intérêts privés et les ambitions politiques l’emportent sur l’intérêt national.
Le papier se distingue par son audace : au-delà de simples soupçons, il donne la parole à un fonctionnaire qui choisit de s’exposer « à visage découvert », une rareté dans le climat feutré des années Pompidou. Aranda, invoquant l’article 100 du Code pénal, explique sa décision de divulguer ces pièces afin de « nettoyer les écuries du royaume ». La formule, qui renvoie aux travaux d’Hercule, frappe l’opinion et place aussitôt le scandale sous le signe de la corruption systémique.
Terrace, fidèle à la ligne du Canard, ne se contente pas de relater : il interpelle. À quoi servent les promesses gaulliennes d’indépendance et de probité si l’on brade les valeurs de la République contre quelques valises de dollars libyens ? En liant les livraisons de Mirages aux répercussions de la guerre du Proche-Orient et aux attentats de Munich, le journal souligne que ces compromissions ne relèvent pas seulement d’arrangements financiers, mais qu’elles touchent à la sécurité internationale.
Ce premier article marque donc une double rupture. D’une part, il place Le Canard en position de contre-pouvoir frontal, publiant des révélations qu’aucun quotidien « sérieux » n’ose prendre en charge. D’autre part, il transforme un fonctionnaire obscur, Gabriel Aranda, en lanceur d’alerte avant l’heure. Ce sera le fil rouge de toute l’affaire : un homme seul contre l’appareil d’État, soutenu par l’ironie incisive et la vigilance obstinée du Canard.
Comme le résume Terrace, citant Aranda : « Personne n’est au-dessus de la loi. Pour être juste, la République doit être pure. »