N° 2710 du Canard Enchaîné – 4 Octobre 1972
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Battling Messmer et la politique du gnon
À Toulouse, le Premier ministre Pierre Messmer se transforme en boxeur politique. Loin des appels gaulliens à la « réserve », il invite militants et élus UDR à répondre aux critiques par des coups de poing. André Ribaud relève la contradiction entre cette brutalité affichée et le discours officiel de « dignité ». Dans ce climat de tensions sociales et électorales, la droite gaulliste semble avoir troqué l’argumentation pour la castagne.
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Battling Messmer et la politique du gnon
Quand la Ve République passe du verbe au poing
Dans son éditorial du 4 octobre 1972, André Ribaud croque un portrait singulier de Pierre Messmer, alors Premier ministre : celui d’un chef de gouvernement qui s’affiche davantage comme un boxeur que comme un homme d’État. L’article s’ouvre sur un rappel ironique des exhortations présidentielles à la « prudence » et à la « réserve », contrastant avec la posture martiale adoptée par Messmer à Toulouse, haranguant militants et fonctionnaires de l’UDR.
Le contraste est saisissant : d’un côté, le gaullisme historique se voulait héritier de l’autorité tranquille, de la dignité et d’une certaine hauteur morale ; de l’autre, son incarnation actuelle adopte le langage de la castagne. Messmer exhorte en effet ses partisans à « ne pas attendre d’être attaqués » mais à frapper les premiers. Le ton rappelle moins la rigueur administrative que les arènes sportives ou la rhétorique musclée d’une campagne électorale sous tension.
André Ribaud relève avec mordant cette dérive : à force de vouloir mobiliser, le pouvoir confond fermeté et brutalité. Dans un contexte social marqué par la grogne ouvrière, la montée du chômage et la résurgence des débats sur les libertés publiques, la posture de Messmer prend des allures inquiétantes. Elle suggère que l’État, plutôt que d’apaiser, préfère encourager l’affrontement.
L’éditorial pointe aussi l’absurdité de la situation : comment concilier les appels officiels à la dignité avec cette « politique du gnon » ? Derrière la satire, une question politique sérieuse affleure : la Ve République de Pompidou s’éloigne-t-elle de son socle gaullien pour s’enliser dans une logique de rapports de force ?
En filigrane, Riboud met en garde : un gouvernement qui troque le dialogue pour la gifle s’expose à miner sa propre légitimité. L’UDR, présentée comme prête à « en découdre », apparaît non plus comme une force de stabilité, mais comme un parti en quête d’un ennemi permanent.
Un éditorial qui, cinquante ans plus tard, résonne encore comme une mise en garde contre la tentation de confondre autorité et violence.