N° 2844 du Canard Enchaîné – 30 Avril 1975
N° 2844 du Canard Enchaîné – 30 Avril 1975
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Un joli fluor dans une peau de vache
Quand Pechiney empoisonne la campagne
Dans les Hautes-Pyrénées, en Savoie ou en Haute-Vienne, les paysans n’ont pas besoin de scientifiques pour constater les dégâts : vaches aux articulations rongées, troupeaux décimés, lait impropre à la consommation. En cause : les rejets fluorés des usines Pechiney Ugine Kuhlmann. Derrière les brochures publicitaires vantant le progrès, l’industrie laisse derrière elle un champ de ruines écologiques et sanitaires. Claude-Marie Vadrot s’appuie sur un livre à paraître au Seuil (Une multinationale française) pour dresser une radiographie accablante d’un empire industriel qui, loin de réparer ses fautes, multiplie silences et manœuvres dilatoires.
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Un joli fluor dans une peau de vache
Pechiney ou la grande fabrique du déni
L’article de Claude-Marie Vadrot du 30 avril 1975 illustre à merveille la manière dont Le Canard enchaîné a su documenter, bien avant l’heure, les ravages écologiques causés par les grandes industries françaises. Ici, c’est le géant Pechiney Ugine Kuhlmann (PUK), fleuron industriel et chimique, qui est mis en accusation pour avoir littéralement empoisonné des régions entières par ses rejets fluorés.
Vadrot s’appuie sur des faits précis : rapports vétérinaires, notes internes et témoignages d’agriculteurs. Les descriptions sont glaçantes : vaches effondrées dans les prés, troupeaux entiers condamnés, lait devenu impropre. Derrière ces réalités se cache une mécanique bien huilée de dissimulation. Les responsables de Pechiney minimisent, temporisent, contestent les expertises, et surtout rechignent à indemniser correctement les éleveurs ruinés.
Le journaliste souligne également le cynisme institutionnel. Malgré la répétition des accidents sanitaires, malgré des preuves établies depuis les années 1960, l’entreprise continue ses activités sans véritable remise en cause. La Sécurité sociale, elle, se retrouve à payer en lieu et place du pollueur, transférant ainsi le coût de l’empoisonnement sur la collectivité. Quant aux autorités publiques, elles semblent résignées, voire complices, préférant préserver un « champion national » plutôt que la santé des habitants et la survie des exploitations agricoles.
Le style du Canard rend le propos encore plus mordant : titres ironiques, citations d’experts ridiculisant les dénégations de l’entreprise, caricature d’Escaro soulignant l’arrogance des puissants. En filigrane, le texte rappelle que Pechiney n’est pas un cas isolé mais l’incarnation d’un modèle productiviste qui sacrifie sans scrupules l’environnement et les paysans sur l’autel de la rentabilité.
Cet article s’inscrit ainsi dans une tradition du Canard : dénoncer les scandales sanitaires et environnementaux longtemps ignorés, en donnant voix à ceux que l’on n’entend pas — ici, les éleveurs de montagne. En 1975, l’écologie politique commence à émerger, et le journal satirique anticipe déjà des débats qui résonnent encore aujourd’hui : qui doit payer pour la pollution, et jusqu’où peut aller l’impunité des grandes firmes ?