N° 2846 du Canard Enchaîné – 14 Mai 1975
N° 2846 du Canard Enchaîné – 14 Mai 1975
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Un camp en demi-solde, par Hervé Terrace
Le Larzac, ce caillou dans la botte militaire
Le camp militaire du Larzac continue d’empoisonner la vie politique française. Pensé comme un vaste terrain d’entraînement, il est devenu symbole des luttes écologistes, paysannes et antimilitaristes. Ni l’armée de terre, qui n’en veut plus, ni certains responsables politiques, qui pressentent l’impasse, ne parviennent à trancher. Giscard et ses ministres tergiversent, tandis que les opposants, eux, s’organisent pour transformer ce plateau en bastion de résistance. Ce qui devait être une affaire technique de défense nationale s’est mué en symbole : celui d’une France où les campagnes se rebiffent contre les états-majors et les bétonneurs.
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Un camp en demi-solde,
Le Larzac, de champ de manœuvre à champ de bataille politique
Dans son article, Hervé Terrace montre comment le dossier du Larzac, ouvert dès le début des années 1970, est en train de se transformer en véritable bourbier politique pour le pouvoir giscardien. Prévu à l’origine comme une extension du camp militaire déjà existant, le projet se heurte à une opposition tenace et multiforme : paysans refusant l’expropriation, mouvements écologistes dénonçant la destruction d’un espace naturel, militants de gauche et catholiques progressistes voyant dans cette mobilisation un terrain exemplaire de lutte collective.
Terrace souligne que l’armée elle-même ne se montre pas enthousiaste. Plusieurs généraux, dont Bosic et Buis, évoquent le peu d’intérêt stratégique de ce plateau rocailleux, difficilement utilisable pour de grandes manœuvres modernes. Même certains militaires craignent qu’il ne serve qu’à entraîner des soldats à une guerre qui n’aura jamais lieu. En réalité, l’affaire du Larzac révèle moins une question de défense nationale que l’incapacité de l’État à reconnaître la légitimité des luttes locales.
L’article épingle aussi la cacophonie gouvernementale : Giscard, Chirac et Poniatowski se renvoient le dossier, chacun avançant des arguments différents, parfois contradictoires. On retrouve là une constante du Canard : montrer que derrière les discours d’autorité, l’État hésite, tergiverse et finit souvent par accentuer la contestation au lieu de l’apaiser.
En arrière-plan, le Larzac s’inscrit dans une dynamique plus large : celle des années 1970, marquées par la montée de l’écologie politique et par des mouvements collectifs capables de bloquer des projets jugés « d’intérêt national ». Terrace saisit bien ce moment où un projet militaire devient le symbole d’une fracture entre un pouvoir central technocratique et une société civile en quête d’autonomie.
Le Larzac ne se résume plus à un camp d’entraînement : il est devenu un champ de bataille politique et médiatique. Et c’est sans doute pour cela que l’affaire durera encore près d’une décennie, jusqu’à son abandon définitif en 1981 par François Mitterrand.