N° 285 du Canard Enchaîné – 14 Décembre 1921
N° 285 du Canard Enchaîné – 14 Décembre 1921
79,00 €
En stock
Georges de La Fouchardière, La lanterne du Bouif : Dans le lit de Millerand
Dans sa « Lanterne du Bouif », Georges de La Fouchardière se glisse malicieusement dans « le lit de M. Millerand ». Dialogue truculent entre Bocard et Bicard, réflexions grinçantes sur les rentiers plumés, les banquiers futés et la Révolution russe qui finit dans les corvées, le tout se termine par une image cocasse : finir ses jours à l’Élysée, bonnet rouge et demi-pantalon. Satire d’une époque où la République, en crise de confiance, devait composer entre banquiers, rentiers et révolutionnaires désabusés.
Rimes réfrigérantes, dessin de Varé – Question de titre, dessin de Bogislas
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
En stock
Le 14 décembre 1921, Le Canard enchaîné publie en page 3 une nouvelle chronique de Georges de La Fouchardière dans sa série « La Lanterne du Bouif ». Le texte, intitulé « Dans le lit de M. Millerand », illustre parfaitement le style de son auteur : un mélange de dialogues populaires, de proverbes détournés et d’images volontairement absurdes qui servent à éclairer la politique contemporaine.
La chronique s’ouvre sur un thème sérieux : la situation des rentiers français, fragilisés par les bouleversements économiques d’après-guerre. Tandis que certains attendent des secours des Russes nouvellement « raisonnables », Bicard rétorque que seuls les banquiers sont intelligents, les rentiers étant naïfs de confier leur argent. Derrière l’humour, une critique sociale apparaît : les petits épargnants sont dupes, les banques et les spéculateurs, eux, savent tirer profit des crises.
Le texte bifurque ensuite vers une satire de la Révolution russe. La Fouchardière souligne le paradoxe d’un mouvement qui prétend libérer le citoyen, mais qui impose à chacun de travailler « comme des mercenaires de la servitude », sous peine de prison. Dans la bouche de Bicard, la caricature devient un règlement domestique : « Article premier : la femme doit obéir à son mari ». Façon ironique de réduire l’utopie révolutionnaire à une banale tyrannie ménagère, tout en moquant le machisme ordinaire.
Enfin, le texte se conclut par une image burlesque et provocatrice : Bicard s’imagine finir ses jours « dans le lit de Millerand », à l’Élysée, coiffé du bonnet rouge, la pipe aux lèvres et vêtu d’un demi-pantalon, ce vêtement mi-révolutionnaire, mi-sportif, censé libérer les mollets. L’image concentre les obsessions de l’époque : l’ombre des révolutions bolchéviques, le discrédit de la classe politique, et l’aspiration populaire à renverser les symboles du pouvoir.
En 1921, Alexandre Millerand est président de la République depuis un an. Figure autoritaire, proche des milieux conservateurs, il est critiqué pour sa volonté de renforcer l’exécutif, au risque de s’écarter de la tradition parlementaire. Le Canard, fidèle à son rôle, choisit la dérision plutôt que l’attaque frontale : Millerand n’est pas décrit dans ses discours ou ses actes, mais dans son lit, réduit à un symbole dérisoire de pouvoir domestiqué par l’imaginaire populaire.
Ce texte illustre la puissance de la « Lanterne du Bouif » : derrière le ton gouailleur et le comique de bistrot, La Fouchardière exprime une profonde défiance envers les élites et une ironie cruelle sur les illusions politiques, qu’elles viennent du capitalisme bancaire ou de la révolution. La satire réside moins dans l’argument que dans les images : banquiers rusés, rentiers plumés, révolutionnaires transformés en tyrans domestiques, président réduit à son lit et à son pantalon.
En somme, cette chronique n’est pas qu’une fantaisie : elle reflète le désenchantement de l’après-guerre, où la République paraît fatiguée, les révolutions dévoyées, et les citoyens oscillant entre résignation et moquerie.

 
      



