N° 2850 du Canard Enchaîné – 11 Juin 1975
N° 2850 du Canard Enchaîné – 11 Juin 1975
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En France, on se paye des princes
Quand la défense nationale vire au grand bazar oriental
Au milieu des révélations américaines sur les contrats douteux de l’industrie d’armement, Le Canard braque son projecteur sur la France de Giscard et de ses réseaux militaires. Commissions occultes, relations privilégiées avec les princes du Proche-Orient, et délégations qui se confondent avec des foires commerciales : Antoine Gourbeyre décrit un système où la diplomatie militaire se mue en boutique, et où l’État s’accommode bien volontiers d’espions mêlés aux affaires.
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En France, on se paye des princes
Les mirages de la diplomatie marchande française
Antoine Gourbeyre signe ici une chronique qui condense tout l’art du Canard : l’ironie grinçante et la précision documentée. L’article revient sur un contexte explosif : au printemps 1975, les commissions du Sénat américain ébranlent l’industrie d’armement en mettant à nu les pratiques corruptrices de Northrop et consorts. Les retombées de cette affaire traversent l’Atlantique, éclaboussant la France, où la S.D.E.C.E. (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage) et les réseaux industriels se trouvent impliqués.
Le texte souligne le rôle de personnalités comme Victor Chapot, homme de l’ombre chargé des « affaires réservées » à l’Élysée, et surtout celui d’Adam Khashoggi, intermédiaire saoudien devenu incontournable dans les transactions pétrolières et militaires. Gourbeyre décortique ce mélange de diplomatie, de business et de renseignement, où les représentants français s’apparentent moins à des négociateurs d’État qu’à des commerçants pressés de placer leurs produits.
À travers des anecdotes savoureuses – comme ces commissions payées pour « faciliter » des marchés ou ces transactions conclues dans des hôtels parisiens luxueux –, l’article dénonce une dérive structurelle : l’assimilation de la politique étrangère à une foire commerciale. Paris, écrit Gourbeyre, reste « Paris » : lieu où tout s’achète et se vend, où les intermédiaires arabes et occidentaux viennent sceller des accords à coups de valises et de promesses.
Le sous-texte est limpide : la diplomatie giscardienne, soucieuse de maintenir une influence au Proche-Orient, s’appuie sans scrupule sur des pratiques qui frôlent le trafic d’influence. À l’heure où l’opinion publique découvre les « arrosages » américains, Le Canard met en évidence la proximité française avec ces méthodes. Non sans sarcasme, Gourbeyre fait de cette confusion entre armement, pétrole et commissions occultes le symbole d’une République qui, sous couvert de grandeur militaire, se comporte comme un marchand d’armes à la sauvette.
Par cette chronique, Le Canard met en garde : en 1975, la défense nationale se dilue dans les petits arrangements et l’argent facile, au risque de compromettre la crédibilité de la France. Une leçon qui, hélas, garde toute son actualité.