N° 286 du Canard Enchaîné – 21 Décembre 1921
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Paris a fêté joyeusement le Réveillon – Les restaurants et les églises ont fait des affaires d’or
À la veille de Noël 1921, Paris s’est paré de mille lumières : églises bondées, restaurants débordants, dancings pleins à craquer, champagne et foie gras engloutis sans retenue. Maurice Coriem en livre une chronique ironique : la fête fut belle, certes, mais elle révèle aussi une société où les notables trinquent à Maxim’s tandis que la foule se contente d’admirer, tenue à distance par les forces de l’ordre. Derrière l’allégresse de circonstance, un portrait sans fard d’une France d’après-guerre, entre ferveur religieuse, orgie de consommation et profondes inégalités.
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Dans son article du 21 décembre 1921, Maurice Coriem livre une peinture vivante du réveillon parisien, oscillant entre reportage festif et satire sociale. Intitulé « Paris a fêté joyeusement le Réveillon », le texte déploie un panorama de la capitale à l’approche de Noël, où se croisent ferveur religieuse, mondanités luxueuses et liesse populaire.
L’auteur souligne d’abord la dimension religieuse : églises et chapelles sont bondées, les chants sacrés résonnent, et l’émotion des fidèles contraste avec l’image d’une époque réputée sceptique. Ce retour à une religiosité affichée, au sortir de la guerre et dans un contexte de rapprochement diplomatique entre gouvernement français et Vatican, est présenté comme un signe de cohésion nationale.
Mais très vite, la chronique prend un tour ironique. L’autre grand lieu de rassemblement, ce sont les restaurants et les music-halls. Chez Maxim’s, les tables sont prises d’assaut par les « hautes personnalités politiques », dont André Maginot, alors ministre des Pensions. La description vire à la caricature : on le voit froncer les sourcils au mot « pension », mot fâcheux pour celui qui gère les rentes des anciens combattants. L’humour souligne le décalage entre la légèreté des mondanités et le poids des responsabilités ministérielles.
Plus loin, Coriem s’attarde sur les dancings populaires de Montmartre, où les Parisiens se pressent pour des « suppers-dansants » à prix fixes, 75 ou 125 francs. Le champagne coule à flots, parfois jusqu’à manquer, et les boudins et foies gras disparaissent par kilomètres. L’orgie de consommation, scrutée avec gourmandise, devient une métaphore des excès d’une société d’après-guerre en quête de réconfort.
Mais le trait satirique se fait plus appuyé encore dans le « bilan de la fête ». Les chiffres des vivres engloutis impressionnent, et Coriem s’interroge : pourquoi une telle fête n’aurait-elle pas lieu chaque semaine ? En filigrane, c’est une critique de l’injustice sociale : l’abondance d’un côté, les privations de l’autre. Car derrière l’éclat des fêtes parisiennes, la France vit toujours dans un climat de crise économique, marqué par la vie chère et les inégalités.
Historiquement, ce réveillon de 1921 survient dans un contexte lourd. La guerre est terminée depuis trois ans, mais le pays reste marqué par les pertes humaines, la reconstruction et une inflation galopante. Tandis que les élites fréquentent les grands établissements, beaucoup de Français peinent à joindre les deux bouts. Le Canard enchaîné, fidèle à son rôle, transforme donc ce tableau joyeux en satire : les mêmes scènes qui témoignent d’une vitalité retrouvée révèlent aussi l’hypocrisie d’une société à deux vitesses.
Au final, l’article de Coriem illustre l’un des fils conducteurs du Canard des années 1920 : montrer que derrière l’apparente normalisation d’après-guerre se cache une société profondément inégalitaire. Noël est célébré, mais tous n’en profitent pas de la même manière.





