N° 2865 du Canard Enchaîné – 24 Septembre 1975
N° 2865 du Canard Enchaîné – 24 Septembre 1975
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Merci, monsieur le Juge !
Dans son article du 24 septembre 1975, Bernard Thomas démonte avec rage et ironie la mécanique d’une justice aux ordres. À Versailles, un policier tue un homme désarmé — Mohamed Diab — et s’en sort presque blanchi, protégé par un procureur zélé et un corps judiciaire complaisant. Le journaliste révèle un procès joué d’avance, où la victime devient coupable et le meurtrier quasi-héros. En filigrane, c’est tout un système de connivences, d’esprit de corps et de racisme institutionnel qui éclate au grand jour, condamnant non pas le crime, mais ceux qui osent le dénoncer.
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Merci, monsieur le Juge !
Une justice sous influence
Bernard Thomas ouvre son article par une scène glaçante : un homme tabassé, humilié, ramené au commissariat, puis abattu par un policier. L’affaire aurait dû faire scandale et provoquer une mise en accusation ferme. Au lieu de cela, elle se transforme en parodie judiciaire où l’accusé, le sous-brigadier Marquet, bénéficie de toutes les indulgences possibles. Le procureur Moyal plaide en sa faveur, les magistrats ferment les yeux, et le procès se déroule comme une pièce de théâtre dont le verdict est connu d’avance.
La plume de Thomas ne cherche pas la neutralité : il dénonce avec des mots crus, accusant magistrats et policiers de former une « bande » soudée, protégée par l’esprit de corps. Ce qui choque l’auteur, ce n’est pas seulement le crime, mais son traitement judiciaire : une machine bien huilée pour blanchir l’uniforme, quitte à piétiner la vérité.
La victime transformée en coupable
Le récit souligne l’injustice flagrante faite à Mohamed Diab, un homme atteint de troubles de santé, dont le geste maladroit a suffi à justifier un tir mortel. Thomas insiste sur l’absurdité des explications fournies : un récit incohérent, des indices matériels qui contredisent la version policière, mais qui sont balayés d’un revers de main. L’alcoolémie du policier, elle, ne l’empêche pas d’être considéré en légitime défense.
Ici, l’équilibre des forces est évident : d’un côté, un Arabe sans défense, vite assimilé à un danger public ; de l’autre, un policier dont le statut couvre tous les faux pas. C’est le rapport de domination, institutionnalisé, que Le Canard met à nu.
Une charge contre l’institution
Ce que Bernard Thomas met en cause, c’est moins un procès isolé qu’un système. L’affaire Marquet devient un symbole : celui d’une justice complice, où l’apparence d’équité masque une partialité assumée. L’article, en martelant « merci », renverse l’ironie contre des juges qui, loin d’incarner l’impartialité, se montrent les protecteurs d’une violence d’État.
Le lecteur sort de ce texte avec un malaise persistant : celui d’une République où la justice, censée être le dernier recours des faibles, se transforme en bras armé d’une institution qui protège ses propres hommes, au détriment de la vérité et de la dignité humaine.