N° 287 du Canard Enchaîné – 28 Décembre 1921
N° 287 du Canard Enchaîné – 28 Décembre 1921
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Le marteau
Dans sa « causerie technique », Whip ironise sur la foi aveugle dans le progrès et sur les illusions modernes, pour mieux ramener tout au « marteau », outil brut et universel. Banquiers, cambrioleurs, militaires ou politiques, tous finissent par user — au propre comme au figuré — de ce coup fatal. Une satire grinçante de l’après-guerre, où derrière les discours sur l’avenir radieux, les citoyens n’aperçoivent que pilonnages fiscaux et coups de massue.
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Le 28 décembre 1921, Le Canard enchaîné publie en page 4 un texte signé Whip, intitulé « Le marteau ». Présenté comme une « causerie technique », le texte relève en réalité d’une satire sociale et politique, où l’humour sert de contrepoint à un constat amer : derrière les promesses de progrès, c’est toujours le coup de massue qui attend les citoyens.
Whip commence par se moquer d’un refrain de l’époque : « Ah ! nos petits-neveux verront de grandes choses ». Cette phrase, répandue dans les conversations bourgeoises, exprime l’idée que les générations futures profiteront d’un avenir radieux grâce aux merveilles de la science. Le journaliste ironise sur ces promesses — repas avalés en pilules, rendez-vous amoureux par télépathie — qu’il juge absurdes face aux réalités du présent. Pour lui, ce ne sont pas les « petits-neveux » qui comptent, mais les contemporains d’aujourd’hui, soumis aux injustices et aux coups de boutoir du système.
De là, Whip développe sa métaphore du marteau. Dans la société moderne, chacun a son instrument de prédilection, mais au bout du compte, c’est toujours le marteau qui triomphe. Les banquiers, par des manœuvres financières aussi opaques que fictives, frappent leurs clients en transformant l’or en papiers sans valeur. Les cambrioleurs, eux, ont beau inventer mille stratagèmes, ils en reviennent toujours à ce coup simple et brutal : casser la vitrine ou assommer le caissier. Les militaires, quant à eux, ne jurent que par le « coup de marteau » pour la défense nationale.
Mais au-delà des images, c’est une critique politique qui se déploie. Whip évoque le refrain d’après-guerre « L’Allemagne paiera », slogan martelé depuis 1919 pour justifier les réparations. En 1921, alors que le traité de Versailles est appliqué avec difficulté et que les caisses de l’État sont vides, ce leitmotiv sonne creux. Pendant ce temps, écrit Whip, « ils nous écrasent d’impôts et nous aplatissent sous les charges ». Autrement dit, le marteau qui tombe, ce n’est pas sur l’ennemi vaincu, mais bien sur les contribuables français.
Le texte se conclut par une pirouette amère : Whip dit posséder un marteau offert par un ami, « bijou éternel » symbole du tapage universel. Ce marteau imaginaire, à la fois ironique et menaçant, devient l’allégorie d’une époque où la société est frappée de toutes parts : par la fiscalité, par les discours politiques, par la brutalité économique.
Dans le contexte de décembre 1921, cette chronique résonne particulièrement. La France vit une crise financière aiguë, l’inflation grignote les revenus, et l’occupation de la Ruhr par l’armée française est déjà envisagée pour contraindre l’Allemagne à payer. Le peuple, lui, se sent dupé : la promesse que « l’Allemagne paiera » n’a pas empêché les hausses d’impôts et les sacrifices. En ramenant toutes ces réalités au « marteau », Whip réussit une satire percutante, à la fois drôle et désabusée.
En somme, ce texte est bien plus qu’une fantaisie technique. C’est une parabole sociale : dans la France de 1921, le marteau est partout, symbole de force brute et d’oppression. Et dans les colonnes du Canard, il devient une arme de satire contre les illusions du progrès et les brutalités du pouvoir.





