N° 2871 du Canard Enchaîné – 5 Novembre 1975
N° 2871 du Canard Enchaîné – 5 Novembre 1975
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Juâne Carlos
À la veille de la mort de Franco, Le Canard enchaîné du 5 novembre 1975 brosse le portrait féroce du successeur désigné : Juan Carlos, dit « le Bref » ou « le Triste ». Nicolas Brimo y raconte les faux pas, les maladresses et les doutes qui entourent cet héritier imposé par le Caudillo, incapable de convaincre ses proches comme ses compatriotes. Entre tir accidentel sur son frère et réputation d’inconsistance, tout semble annoncer une monarchie fragile et risible. L’histoire, pourtant, donnera à ce roi si décrié un rôle décisif dans la transition démocratique… avant de sombrer dans ses propres scandales.
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Juâne Carlos
Juan Carlos, prince maladroit sous l’œil du Canard
Le 5 novembre 1975, Nicolas Brimo dresse dans Le Canard enchaîné un portrait acide du futur roi d’Espagne. Franco agonise, et déjà le trône se prépare à accueillir celui qu’on surnomme « Juan le Bref » ou « Juan le Triste ». Brimo s’attarde sur les errements d’un prince peu inspirant : élevé dans l’ombre du Caudillo, plus docile qu’ambitieux, Juan Carlos apparaît comme un héritier fabriqué de toutes pièces. L’article rappelle un épisode tragique : en 1956, alors qu’il fête ses 17 ans, il tue accidentellement son frère Alfonso en manipulant une arme. Un drame qui scelle son image d’homme malchanceux et peu fiable.
Une carrière militaire sans éclat
Le Canard souligne ensuite le vide qui entoure son parcours : études médiocres, service dans l’armée franquiste, absence de talent particulier. Ses rares exploits — une régate, quelques apparitions sportives — ne suffisent pas à masquer une incapacité chronique à s’imposer. Même sa famille doute : son père, Don Juan, héritier légitime, n’a jamais abdiqué ses droits, et les rumeurs d’un règne éphémère accompagnent déjà le jeune prince. Brimo, en multipliant les piques, suggère que Franco, en imposant Juan Carlos, a choisi moins un roi qu’une marionnette docile.
Un scepticisme prophétique
Le ton railleur du Canard reflète l’ambiance d’alors : beaucoup en Espagne redoutent qu’un tel roi ne soit qu’un prolongement du franquisme, sans autorité ni légitimité. Le surnom de « Bref » traduit cette conviction : son règne, croit-on, ne durera pas. Pourtant, l’histoire viendra contredire cette satire. En novembre 1975, Juan Carlos est proclamé roi. Contre toute attente, il joue un rôle majeur dans la transition démocratique : il soutient la légalisation des partis, nomme Adolfo Suárez, et en 1981, son refus du coup d’État du colonel Tejero l’impose comme le garant de la démocratie espagnole.
De l’espoir à la disgrâce
Mais le parallèle rétrospectif rattrape l’ironie du Canard. L’homme que Brimo décrivait comme inconsistant a certes incarné la démocratie naissante, mais il a fini par incarner aussi ses propres dérives. Exilé en 2020 après des révélations sur ses finances opaques, Juan Carlos a terni l’image qu’il avait su construire. On pourrait dire, avec un sourire amer, que Le Canard n’avait pas totalement tort : s’il ne fut pas « bref » en durée, il le fut peut-être en grandeur.