N° 293 du Canard Enchaîné – 8 Février 1922
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Les dessous du conclave – Ce qui s’est passé au Vatican
Élection papale ou vaudeville ? Quand Pie XI sort du conclave, le Canard enchaîné s’empresse de lever un coin du rideau. Entre paris, pipes partagées, sièges bringuebalants et bavardages de cardinaux, la chronique transforme l’un des plus graves rituels du catholicisme en une comédie de mœurs. Satire d’un Vatican perçu comme une cour mondaine, l’article raille autant les rites séculaires que la fascination médiatique pour ce huis clos sacré.
Illustration de Mat
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Le 6 février 1922 s’achève à Rome l’un des conclaves les plus attendus du début du siècle, après la mort de Benoît XV. L’élu, Achille Ratti, devient Pie XI, pape d’un monde encore traumatisé par la Grande Guerre et face à la montée des tensions internationales. Pour la presse catholique, l’événement est empreint de gravité et d’espérance. Pour le Canard enchaîné, c’est surtout une occasion rêvée de tourner en ridicule le cérémonial du Vatican et la solennité compassée qui l’entoure.
Sous le titre « Les dessous du conclave », le Canard s’emploie à transformer cette grand-messe en farce théâtrale. Les cardinaux deviennent des personnages hauts en couleur, plus proches d’un cabaret que d’une assemblée de princes de l’Église. On les surprend, pipe au bec, pariant sur l’issue du scrutin, ou cherchant à meubler leur cellule spartiate comme de vulgaires locataires d’hôtel. Même la gravité des votes est tournée en dérision : on évoque le bruit des bulletins froissés, les rumeurs d’alliances, les mines soucieuses qui ressemblent à s’y méprendre à celles d’un conseil d’administration.
L’humour du Canard repose sur un décalage constant entre l’aura sacrée du conclave et la trivialité des anecdotes inventées. En décrivant les « personnages admis » — un barbier, un pharmacien, un cuisinier — l’article moque la pompe romaine, réduite à une petite communauté bruyante et affairée. Quant au choix de Pie XI, il est résumé par une pirouette : après tout, « un pari vaut bien une messe ».
Ce traitement s’inscrit dans la ligne anticléricale du journal, fidèle à son esprit voltairien. Héritier de la critique des institutions catholiques entamée dès la fin du XIXe siècle, le Canard n’hésite pas à faire du Vatican une cible privilégiée, symbole d’une autorité morale jugée hypocrite et mondaine. En 1922, cette satire résonne aussi avec les débats français sur la laïcité et la place de l’Église dans la République, encore vifs après la séparation de 1905.
Pourtant, derrière la plaisanterie se profile une figure qui marquera l’histoire : Pie XI. Ce pape inaugure un pontificat long et complexe (1922-1939). Moins d’un an après son élection, il signe avec Mussolini les accords du Latran (1929), rétablissant la souveraineté du Vatican et scellant un rapprochement durable entre l’Église et l’État fasciste. Il n’en demeure pas moins critique envers les totalitarismes : en 1937, il condamne le nazisme dans l’encyclique Mit brennender Sorge, et le communisme dans Divini Redemptoris. L’élection que le Canard tourne en dérision en 1922 apparaît, rétrospectivement, comme le prélude à un pontificat traversé par les grandes fractures idéologiques du siècle.
Ainsi, l’article illustre parfaitement la manière dont l’hebdomadaire satirique se saisit d’un moment solennel pour en désamorcer la pompe. Là où les fidèles voient un acte de foi et de continuité, le Canard expose les travers humains, les ridicules et la banalité d’un rituel qu’il réduit à un théâtre du pouvoir. Non pour nier l’événement, mais pour rappeler qu’aucune institution, fût-elle religieuse, n’échappe au regard caustique de la satire.





