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N° 2975 du Canard Enchaîné – 2 Novembre 1977

N° 2975 du Canard Enchaîné – 2 Novembre 1977

19,00 

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Légion de donneurs

Novembre 1977 : l’Europe tremble, et la France apprend un nouveau yoga civique. Pour aider la police, le ministre appelle l’opinion à parler, mais surtout sans appeler ça “dénoncer”. Bernard Thomas démonte la pirouette : “ce n’est pas une chasse aux sorcières”, juste une “complicité inconsciente du silence” à briser… en donnant des noms “tout au plus”. Avec le portrait-robot du suspect (20-35 ans, moustache, lunettes… donc votre voisin) et le dessin de Lap, le Canard rebaptise la médaille : non plus Légion d’honneur, mais Légion de donneurs.

Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix

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Canard au naturel
Canard en chemise

Chaque numéro ou journal anniversaire, peut être inséré dans une pochette cadeau au choix, d’un très beau papier pur coton, comportant une illustration originale spécialement réalisée pour COUAC ! par Fabrice Erre ou Laurent Lolmede, ou pour les premiers lecteurs du Canard Enchainé par Lucien Laforge.

Cette pochette cadeau assure aussi une conservation optimale du journal : un papier au PH neutre limitant la dégradation des vieux journaux sur la durée.

Décliné en 4 pochettes originales (5€)
Pochette offerte pour toutes éditions d’un prix supérieur à 59€
Visualiser les illustrations en cliquant sur le nom des auteurs

Canard laqué

Enchâssé entre deux feuilles d’acrylique (plexiglass extrudé*) il s’exposera aux regards sous son plus beau jour.

Les propriétés anti-UV de ce plexiglass de 2 mm lui assureront une conservation optimale limitant le jaunissement.

Le maintien entre les deux plaques, avec 8 petites pinces nickelées, supprime la vue des plis ainsi que leurs effets indésirables. Les marges autour du journal sont de 2 cm et sont ajustées au format de l’édition, qui a varié au fil des décennies.

*Transparence, légèreté, résistance aux chocs et aux UV

Cette présentation est déclinée en 2 options :

Plexi transparent (30€) servant de fond, plus discret mais élégant il permet aussi la vision de la dernière page du journal.
Plexi noir (35€) servant de fond, il met en valeur la teinte et le format du journal, s’harmonisant parfaitement avec les encres noires de la page.

Légion de donneurs : quand l’“esprit civique” met des gants… de latex

Automne 77 : la peur en bandoulière, la morale au mégaphone

Novembre 1977, l’air d’Europe sent la poudre froide. À l’Est, la “bande à Baader” a transformé l’Allemagne en vitrine blindée, et chaque fait divers devient une pièce à conviction contre le “laxisme”. En France, la panique aime voyager léger : elle traverse le Rhin sans passeport, puis s’installe au chaud dans les discours officiels.

C’est là que Bernard Thomas déclenche son rire d’alarme. À partir d’une enquête qui “bégaye” (autour d’un relais de télévision à Pré-en-Pail), le ministre de l’Intérieur Christian Bonnet lance l’idée magique : mobiliser “l’opinion” pour aider les recherches. Traduction : si la police patauge, que la foule fournisse la boue. Et quand certains s’inquiètent du parfum de délation, le ministre se fâche tout rouge, jurant qu’il ne s’agit pas d’une “chasse aux sorcières”, juste de “briser l’indifférence coupable”. On connaît la chanson : on n’appelle pas ça une dénonciation, on appelle ça une bonne action.

Du confesseur au commissaire : “Dites tout, ça n’est pas de la délation”

Le texte se régale de cette acrobatie lexicale : on voudrait que le citoyen parle, mais surtout qu’il ne pense pas qu’il dénonce. On le somme de vider ses poches morales, tout en lui interdisant de prononcer le mot “mouchard”. Le policier devient alors une figure commode : le “confesseur” laïque. Dites tout, on vous absout… et on dresse procès-verbal.

Le clou, c’est le ton faussement délicat : Thomas convoque Rimbaud (“par délicatesse…”) pour mieux montrer l’obscénité du moment. La délicatesse, en 1977, c’est de se taire. La vertu, c’est de parler. Et la frontière entre les deux, le pouvoir propose de la gommer à la gomme administrative : vous ne dénoncez pas, voyons, vous “témoignez”. Vous ne livrez pas un nom, vous “signalez”. Vous ne soupçonnez pas, vous “prévenez”.

Portrait-robot : le terroriste a moustache… donc votre collègue aussi

Pour aider l’opinion à être utile, voilà qu’arrive le chef-d’œuvre : le “portrait-robot” du suspect, importé d’Allemagne, âge “20 à 35 ans”, banlieue, perruques, moustaches, barbes, lunettes. Un monstre très pratique : suffisamment vague pour ressembler à tout le monde, donc suffisamment efficace pour rendre tout le monde suspect. C’est la police prédictive avant l’informatique : du flou, du flair, et beaucoup de voisins.

Et Lap, avec son illustration, plante le drapeau au milieu de la farce sinistre : le “portrait-robot… du délateur”. Ce n’est plus l’ennemi qu’on dessine, c’est l’ambiance. Un visage composé de petites lâchetés en kit : l’œil qui ferme, l’oreille “des flics”, la langue bien pendue, prêt à “cravater son voisin”. Le Canard ne se contente pas de critiquer l’État, il ausculte la tentation qu’il installe dans le salon : le confort de la suspicion, le petit frisson de participer, l’ivresse de “faire partie de l’enquête” comme on ferait partie d’un club.

“Il ne s’agit pas de dénoncer” : non, juste de donner des noms

Le morceau le plus noir est aussi le plus drôle : l’exercice de protection (“Garonne 1977”) où l’on invite la population à “signaler” tout individu suspect ou “élément subversif”. Puis la pirouette : ce n’est pas dénoncer, c’est… dénoncer “des noms tout au plus”. L’humour de Thomas fonctionne comme une lampe torche sous le menton du discours officiel : il éclaire les dents.

À force de vouloir une société “unie”, on obtient une société uniforme : tout le monde regarde tout le monde, et personne ne respire. La peur devient un service public, l’État vous la distribue comme un prospectus. Et pendant qu’on vous explique que c’est pour votre bien, on vous entraîne à vivre dans l’idée que la liberté est un luxe qu’on rangera “après la crise”. Sauf que la crise, elle, a un abonnement longue durée.

Légion d’honneur ? Non : légion de donneurs

Le titre est une trouvaille cruelle : on ne décore plus les braves, on recrute des “donneurs” (de tuyaux, de noms, de rumeurs). Une République qui se rêve morale en demandant aux citoyens de se transformer en guetteurs. Et Thomas termine en citant (via Heine) ce vieux diagnostic sur les mouchards, pour en faire une prophétie qui glace : vivement qu’on puisse dire… “tous les Français”. Là, le Canard montre sa cible réelle : pas seulement un ministre, mais une pente. Celle où la peur se déguise en civisme, et la délation en “delicatesse”.