N° 299 du Canard Enchaîné – 22 Mars 1922
N° 299 du Canard Enchaîné – 22 Mars 1922
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Pour nos petits soldats – M. André Lefèvre combat le service de 18 mois. Il réclame celui de 7 ans
En mars 1922, André Lefèvre, ancien ministre de la Guerre, se lance dans un combat parlementaire qui surprend toute l’Assemblée : abolir le service militaire de 18 mois pour réclamer celui de… sept ans. Avec ses démonstrations théâtrales et son patriotisme ardent, l’orateur marseillais incarne les tensions de l’après-guerre : obsession de l’ennemi allemand, peur du désarmement, mais aussi incapacité de la Chambre à tracer une ligne claire entre sécurité et paix. Le Canard s’en amuse et souligne l’absurde gravité de débats où la mémoire de 1914 pèse encore lourdement.
Numéro de 6 pages
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L’article de une du Canard enchaîné du 22 mars 1922 illustre avec éclat l’un des grands dilemmes politiques de la France de l’après-guerre : combien de temps doit-on maintenir sous les drapeaux la jeunesse du pays ? Alors que le gouvernement s’oriente vers un service militaire de 18 mois, compromis entre préparation militaire et volonté de relâcher la pression sociale, André Lefèvre, ancien ministre de la Guerre et député des Bouches-du-Rhône, surgit à la tribune pour réclamer… un service de sept ans.
La scène, restituée avec humour, est digne d’une pièce de boulevard. Lefèvre, « bouillant orateur », brandit devant l’Assemblée des objets qu’il dit avoir retrouvés en Allemagne : un bâton de caoutchouc transformé en matraque, un revolver, des casques, des indices qu’il décrit comme autant de preuves que l’ennemi prépare déjà la revanche. Le geste frappe les députés, et le Canard s’empresse de tourner en ridicule cette théâtralité, tout en pointant la peur viscérale qui sous-tend ces démonstrations.
L’intervention de Lefèvre s’inscrit dans un contexte bien précis. En 1922, la France vit dans l’ombre du traité de Versailles et de la question des réparations allemandes. L’idée que l’Allemagne puisse se réarmer secrètement hante les esprits, et nourrit des discours alarmistes. Dans ce climat, le service de 18 mois apparaît à certains comme une dangereuse imprudence. Mais Lefèvre pousse la logique à l’extrême : pour lui, seule une armée de métier prolongée et des périodes d’instruction annuelles permettraient de tenir l’ennemi en respect.
Le Canard enchaîné s’empare de ce moment pour en souligner l’absurdité. Le ton ironique transparaît dans les réactions rapportées : exclamations, rires, rumeurs dans les rangs de gauche comme de droite. Le journal relève aussi l’aspect pathétique de la scène : un député isolé, gesticulant avec ses preuves improvisées, galvanisé par son propre discours, mais en réalité à contre-courant de la tendance parlementaire.
Ce décalage illustre bien les tensions de la France de 1922. Le pays, encore marqué par le traumatisme de la guerre, oscille entre deux tentations : maintenir une armée puissante et omniprésente, ou bien relâcher la pression pour revenir à une vie civile plus normale. Lefèvre incarne la première option, poussée jusqu’au grotesque, tandis que la Chambre, embarrassée, cherche un compromis.
En ridiculisant cette joute, le Canard ne nie pas l’importance du débat, mais rappelle combien la peur peut nourrir des propositions irréalistes. La satire fonctionne ici comme un révélateur : derrière la scène pittoresque, c’est bien l’incapacité de la classe politique à trouver une ligne claire qui est visée.
En somme, l’article de mars 1922 témoigne de la manière dont la satire du Canard s’empare des grands enjeux militaires pour les tourner en dérision. À travers Lefèvre et son plaidoyer improbable pour un service de sept ans, c’est la persistance des réflexes de guerre, l’exagération du péril allemand et la difficulté de tourner la page de 1914 qui sont mis en lumière.