N° 3572 du Canard Enchaîné – 12 Avril 1989
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« En 1985, on liquidait en France des stocks de sang frelaté »
Cette semaine, point de magouilles politiques ou autres carabistouilles financières, mais un hallucinant scandale de santé publique: comment des médecins ont-ils pu sciemment empoisonner leurs patients ?
Dans ce No 3572 du 12 avril 1989, Alain Guédé (alias Brume) révèle qu’en 1985, soit 3 ans après les premiers cas de sida recensés en France, le Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS) a fourni à des patients – essentiellement des hémophiles – des lots de sang contaminé par le virus du sida ou l’hépatite C. Ce ne fut pas par ignorance scientifique, puisqu’un laboratoire américain (Travenol-Hyland) avait, dès 1983, mis au point un système de chauffage du sang éliminant le virus, mais bien à cause d’une démarche commerciale délibérée.
En effet, Edmond Hervé, secrétaire d’Etat de la Santé, décide, tardivement, le 23 juillet 1985, de ne rembourser que les produits sanguins chauffés, mais ce à partir du 1er octobre seulement.
Que faire alors des stocks de produits non chauffés (dont la valeur est de 30 millions de francs) pendant ce laps de temps ? Une note interne du 26 juin du Directeur du CNTS, le docteur Michel Garretta, à ses chefs de service, publiée avec l’article du Canard, contient la terrible réponse: « la distribution des produits non chauffés reste la procédure normale tant qu’ils sont en stock ». Bilan 10 ans après cette décision de « gestion comptable », prise au mépris de la protection sanitaire la plus élémentaire: sur 4 400 hémophiles comptabilisés, plus de 2 000 personnes ont été contaminées et 40% en sont mortes.
Cet article fut accueilli dans un silence gêné et cela n’empêcha pas Garretta de recevoir la Légion d’honneur le 14 mars 1990 pour « services exceptionnels » !
L’affaire enfle cependant quand on apprend, fin 1990, que l’Etat propose 100 000 francs d’indemnisation à chaque hémophile contaminé, à condition qu’il renonce à porter plainte.
Le scandale éclate vraiment le 25 avril 1991 avec un nouvel article de Anne-Marie Casteret, paru dans l’Evénement du jeudi, accompagné d’un nouveau document interne au CNTS, confirmant les informations du Canard et prouvant que ces stocks de sang frelaté ont été écoulés en toute connaissance de cause, par souci de rentabilité. Garretta démissionne, tout en empochant 3 millions de francs de dédommagement. Poursuivi, avec des comparses, pour tromperie et non-assistance à personne en danger, il est condamné en octobre 1992 à 4 ans de prison ferme et 500 000 francs d’amende, peine confirmée en appel en juillet 1993. Il fera 28 mois d’incarcération.
Les politiques en poste au moment des faits sont poursuivis aussi: Georgina Dufoix, Ministre des Affaires sociales, à qui l’on doit le célèbre et malheureux « responsable mais pas coupable » et Laurent Fabius, 1er Ministre, sont relaxés en 1999 par la Cour de justice de la République, mais cette affaire collera longtemps à la peau de ce dernier.
Seul Edmond Hervé est condamné pour « manquement à une obligation de sécurité et de prudence », mais dispensé de peine.
SP
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