N° 4 du Canard Enchaîné – 26 Juillet 1916
N° 4 du Canard Enchaîné – 26 Juillet 1916
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La fin d’un bluff
Dans son quatrième numéro, le Canard enchaîné frappe fort avec « La fin d’un bluff ». Alors que toute la presse s’émerveille du voyage du sous-marin marchand Deutschland jusqu’à Baltimore, le palmipède assure, pince-sans-rire, que le bâtiment n’a jamais traversé l’Atlantique… mais qu’il a été monté pièce par pièce, en secret, dans une cale américaine. Le trait est grossier, mais volontaire : derrière l’absurde, une idée simple, démontrer que les « feuilles autorisées » se laissent trop facilement abuser par les bobards. Le jeune journal, à peine né, s’impose déjà comme le démonteur de la crédulité médiatique.
On se retrouve, dessin de Depaquit –
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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Avec « La fin d’un bluff », le Canard enchaîné publie en une une charge réjouissante contre l’aveuglement de la presse française face à l’épisode du sous-marin Deutschland. Ce bâtiment allemand, premier sous-marin marchand, avait réussi à traverser l’Atlantique pour accoster à Baltimore début juillet 1916, exploit qui fit grand bruit en pleine guerre sous-marine. Mais pour le Canard, il n’y avait là qu’un gigantesque « bobard boche » monté de toutes pièces.
Signé « Ph. Berthelier », l’article propose une version volontairement absurde : le Deutschland n’aurait jamais franchi l’océan mais aurait été construit en douce… à Baltimore, morceau par morceau, sous une bâche ! « Monter un bateau », littéralement, prend ici tout son sens : les Allemands auraient trompé le monde entier avec un tour de passe-passe, et la presse française, « douces brebis », s’y serait laissée prendre sans recul critique.
La verve ironique et la mauvaise foi assumée donnent le ton : le Canard, né trois semaines plus tôt, se distingue déjà par sa volonté de ridiculiser la presse sérieuse, toujours prompte à gober les nouvelles sensationnelles venues de Berlin. On y retrouve l’esprit satirique qui fera école : un mélange de fausse enquête, de moquerie du vocabulaire (« performance ! peut-on être si gobeurs ! ») et de dénonciation d’un journalisme moutonnier.
Derrière la drôlerie, une affirmation de principe : le Canard ne marche pas dans les bobards, il préfère les démonter. Ironie suprême, il publie ici lui-même une « contre-histoire » invraisemblable, transformant l’information en satire. Dès 1916, le journal s’installe dans ce rôle de poil-à-gratter médiatique, se donnant pour mission de ne jamais se laisser berner par les grands récits patriotiques ou sensationnels.
Le Canard enchaîné et l’affaire du Deutschland (1916)
Une affaire fondatrice : quand le palmipède ridiculise la presse sérieuse
En juillet 1916, le monde entier parle du Deutschland, premier sous-marin marchand allemand, qui vient d’accoster à Baltimore après une traversée spectaculaire de l’Atlantique. L’exploit, en pleine guerre sous-marine, fascine et inquiète : il montre que le Reich peut briser le blocus allié. La presse française, avide de détails, se passionne pour cette prouesse technique.
C’est alors que le Canard enchaîné, fondé seulement trois semaines plus tôt, publie en une (26 juillet, n°4) un article signé Ph. Berthelier : « La fin d’un bluff ». L’hebdomadaire avance, sans ciller, que le Deutschland n’a jamais traversé l’Atlantique… mais qu’il a été construit en catimini à Baltimore, pièce par pièce, sous une bâche ! Une supercherie grotesque, qui joue sur l’expression « monter un bateau ». Le ton est donné : là où les autres journaux se grisent de récits sensationnels, le Canard pratique la fausse nouvelle assumée pour mettre en lumière la crédulité médiatique.
Le retour de bâton (9 août, n°6)
Le canular ne tarde pas à rebondir : plusieurs grands titres – Ouest-Éclair, l’Écho de Paris, la Liberté – reprennent la fable au sérieux. Le Canard jubile et publie deux articles :
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« Ils ne marchent pas. Ils courent ! », où il raille ces confrères trop pressés de flairer un « scoop » et rappelle sa devise inaugurale : « Le Canard Enchaîné ne publiera que des nouvelles fausses ».
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« Le sous-marin démontable », signé Georges de La Fouchardière, qui développe avec brio l’idée du submersible livré en kit.
Une victoire satirique
Cet épisode est une victoire fondatrice pour le jeune hebdomadaire : il installe sa marque de fabrique, mêlant canular, ironie et critique du journalisme dominant. En piégeant la presse « sérieuse », le Canard démontre qu’il peut être à la fois farceur et redoutablement efficace dans la dénonciation des travers médiatiques.
En 1916, alors que la guerre impose le silence et la propagande, le palmipède trace déjà sa ligne : rire de tout, surtout des crédules, et ne jamais marcher dans les bobards. Avec le Deutschland, il a trouvé sa première grande bataille.