N° 43 du Canard Enchaîné – 25 Avril 1917
N° 43 du Canard Enchaîné – 25 Avril 1917
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Un esprit ingénieux
Charles Maurras en élève ingénieux ? Le Canard l’imagine enfant, rusant pour transformer une leçon de catéchisme en marmelade de coings… et en argument monarchiste. Une fable satirique où l’Action française se voit renvoyée à ses contradictions, entre « discrétion » de façade et appétit bien réel pour manipuler la marmelade politique.
La divine Tragédie
Georges de La Fouchardière donne la parole… à Lucifer ! Un diable pacifiste, amateur de bonne chère et de beaux-arts, qui raille les miracles bibliques et la bureaucratie céleste. Une satire anticléricale dans la lignée d’Anatole France, où le pacifisme passe par la voix du démon lui-même. –Chronique débutant avec cette édition et se poursuivant jusqu’au 6 juin 1917.
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Avec l’article « Un esprit ingénieux », le Canard enchaîné du 25 avril 1917 s’attaque à l’un de ses adversaires préférés : Charles Maurras, théoricien de l’Action française, monarchiste convaincu et contempteur obstiné de la République. La cible est claire, mais le procédé mérite attention : plutôt que de l’attaquer de front, le journal choisit la voie de l’anecdote satirique, imaginant un Maurras enfant, déjà maître dans l’art d’arranger la vérité à sa convenance.
Le récit, signé A. des Enganes, commence par rappeler les volte-face du polémiste : hier encore chantre de l’alliance franco-russe, aujourd’hui discret contempteur de Nicolas II. C’est alors que la parabole se déploie : Maurras écolier, élève de catéchisme, se distingue par sa capacité à contourner les règles. L’abbé Digue et les autres enfants débattent du cadeau à offrir : des coings. Cruels ou cuits ? Maurras impose son « pragmatisme » : puisqu’il s’agit de ménager efforts et dépenses, mieux vaut les transformer en marmelade.
Cette farce enfantine devient métaphore politique : derrière le masque de la piété et de la fidélité monarchique, le futur doctrinaire apprend déjà à manipuler, à ajuster la réalité aux besoins du moment. L’épisode se termine en scène burlesque : l’abbé reçoit son meuble éclaboussé de confiture, furieux contre la troupe, tandis que Maurras triomphe de son bon droit.
Le Canard montre ainsi un Maurras doublement ridicule : d’abord par son inconséquence (crier « Vive la Pologne ! » un jour, défendre le tsar le lendemain, prôner la monarchie en France après la révolution russe), ensuite par sa rouerie de boutiquier — toujours prêt à retourner les situations à son profit. L’allégorie du coing n’est pas qu’un bon mot : elle révèle l’opportunisme d’une pensée qui se présente comme immuable.
Dans un moment où l’Europe vacille, le Canard oppose à la gravité de la guerre l’humour acide d’un conte. Il place Maurras parmi les « esprits ingénieux », ceux qui, avec désinvolture, prétendent expliquer le monde tout en s’arrangeant avec la vérité. Derrière le rire, l’attaque est sévère : l’Action française n’est pas seulement rétrograde, elle est aussi habile dans l’art de maquiller ses reniements.
Ainsi, à travers une parabole légère et culinaire, le Canard enchaîné signe une pièce de satire politique redoutablement efficace : transformer un penseur monarchiste en marmiton maladroit, c’est lui dénier toute autorité et l’enfermer dans le ridicule.