N° 452 du Canard Enchaîné – 25 Février 1925
N° 452 du Canard Enchaîné – 25 Février 1925
79,00 €
En stock
Pour l’éducation civique des foules, Le catéchisme du bon Français
Dans Le Canard enchaîné du 25 février 1925, Maurice Morice publie un « Catéchisme du bon Français » mordant, pastiche de manuel civique pour électeurs bien-pensants. Sous forme de questions-réponses, il démonte les certitudes d’une droite qui s’arroge le monopole du patriotisme. Tout y passe : Millerand, l’ancien président devenu prédicateur de l’« ordre national », Gustave Hervé, ex-socialiste reconverti au nationalisme, ou encore les banquiers suisses, modèles de vertu… financière. Dans la France des lendemains de guerre et des ligues patriotiques, Morice montre qu’être un « bon Français », c’est surtout savoir placer son argent à l’étranger.
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
En stock
Publié à la une du Canard enchaîné du 25 février 1925, « Le catéchisme du bon Français » de Maurice Morice s’inscrit dans une veine satirique où l’humour remplace le sermon. Le titre détourne la pédagogie religieuse — celle du catéchisme — pour en faire un manuel d’ironie civique. Dans la France du Cartel des gauches, l’auteur s’amuse à décrire le parfait citoyen selon les critères de la droite nationaliste : obéissant, hypocrite et plein de bons principes… tant qu’ils servent ses intérêts.
Le texte adopte la forme de questions-réponses rythmées, comme un dialogue entre maître et élève :
— Qu’est-ce qu’un bon Français ?
— Celui qui adopte les opinions de M. Alexandre Millerand.
L’ancien président, évincé de l’Élysée en 1924 et reconverti en chef de ligue réactionnaire, devient ainsi le symbole d’un patriotisme dévoyé : celui qui se proclame « national » tout en étant étroitement partisan. La figure de Millerand, que le Canard brocarde depuis des mois, incarne pour Morice la dérive d’une droite qui confond amour de la patrie et défense des privilèges.
Tout le comique du texte repose sur l’inversion des valeurs. Être un « bon Français », selon ce catéchisme, revient à trahir ses idéaux dès qu’ils cessent d’être rentables. L’exemple de Gustave Hervé, passé du socialisme révolutionnaire au nationalisme intégral, en est la caricature vivante :
— Pourquoi M. Gustave Hervé a-t-il trahi son parti depuis moins longtemps que M. Millerand ?
— Parce qu’il est plus jeune.
Sous cette pirouette, Morice pointe le cynisme d’une époque où les revirements politiques deviennent des carrières.
Le bon Français lit les journaux de droite (L’Écho de Paris et La Liberté), va à la messe — surtout quand il est israélite — et place ses capitaux… à l’étranger. Il ne déclare jamais ses revenus, crie à « l’inquisition » fiscale dès qu’on demande ses comptes, et confond vertu civique et patriotisme de portefeuille. Cette satire des faux dévots du nationalisme rejoint les grandes charges anticléricales du Canard, tout en épinglant la moralisation sélective du discours politique : on prêche la foi et la patrie, mais on garde ses fonds en Suisse.
Le contexte éclaire cette ironie mordante. En 1925, la France d’Édouard Herriot affronte une double crise : financière (le franc s’effondre) et politique (la droite s’organise en ligues). Millerand multiplie les meetings sous l’égide de la Ligue républicaine nationale, pendant que les journaux conservateurs attisent la peur du communisme. Morice répond à cette propagande par un miroir déformant : son catéchisme n’enseigne pas la morale, mais la démasque.
Par la précision du ton et la fausse naïveté du style, Le catéchisme du bon Français rappelle les pamphlets des Lumières : derrière la plaisanterie, une leçon d’esprit critique. En feignant d’apprendre aux foules ce qu’est un « bon Français », Maurice Morice leur rappelle surtout ce que le patriotisme n’est pas : un abri pour la lâcheté, ni un capital à l’étranger.





