N° 453 du Canard Enchaîné – 4 Mars 1925
N° 453 du Canard Enchaîné – 4 Mars 1925
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La tournée Millerand continue avec succès – Une grande vague de gaieté a secoué Marseille
En mars 1925, Le Canard enchaîné suit avec gourmandise la « tournée Millerand », cette campagne de meetings menée par l’ancien président déchu pour reconquérir l’opinion. À Marseille, rapporte Jules Rivet, la scène tourne à la farce : discours comiques, lapsus, calembours et bains de foule surveillés par une haie de policiers — croquée par Paul Ferjac en dessin d’ouverture. Sous le titre « Une grande vague de gaieté a secoué Marseille », le Canard moque le pathétique d’un homme d’État devenu bateleur. La République, sous Millerand, semble décidément mieux armée pour faire rire que pour gouverner. M. Millerand à Marseille, dessin de Paul Ferjac .
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Le 4 mars 1925, Le Canard enchaîné publie à la une un reportage de Jules Rivet intitulé « Une grande vague de gaieté a secoué Marseille », accompagné d’un dessin de Paul Ferjac représentant Alexandre Millerand au centre d’une haie de policiers raides comme des piquets. L’ancien président, écarté de l’Élysée moins d’un an plus tôt, poursuit alors à travers la France une tournée de meetings orchestrée par la Ligue républicaine nationale, formation conservatrice qui rêve d’un sursaut d’ordre et de morale. Mais, sous la plume du Canard, cette croisade patriotique prend des allures de cirque ambulant.
Depuis sa démission forcée en juin 1924, Millerand s’efforce de se reconstituer une stature politique. Il sillonne les villes du Sud, prononce des discours enflammés contre le Cartel des gauches et tente de rallier les anciens combattants à son projet de restauration de l’autorité. À Marseille, il croit trouver un terrain favorable : cité portuaire, haut lieu du commerce et du conservatisme méridional. Mais l’accueil n’a rien du triomphe annoncé. Rivet, dans un style de chroniqueur de music-hall, décrit une « grande vague de gaieté » où la foule rit, non de joie, mais d’ironie.
Le journaliste campe un Millerand cabotin, prêt à tout pour amuser la galerie. Ses discours, saturés de bons mots, déclenchent davantage de rires que d’applaudissements. On y croise des notables compassés, des anciens ministres en goguette, et une ribambelle d’amis politiques qui rivalisent d’esprit de corps et de blagues douteuses. Même les toasts se muent en sketchs. Rivet restitue cette atmosphère de farce politique où l’ancien chef de l’État, entouré d’une armée de policiers et d’acolytes réactionnaires, semble plus proche du clown blanc que du tribun.
Le dessin de Paul Ferjac résume cette dérision : deux rangées d’agents moustachus forment une garde d’honneur grotesque autour de Millerand, petit bonhomme perdu dans sa propre mise en scène. Légende : « La population lui fait un accueil enthousiaste. » La satire est limpide : cette « population » alignée n’est autre que la police, symbole d’un pouvoir autoritaire coupé du peuple. Derrière le trait humoristique se lit une critique sérieuse : Millerand, isolé et caricatural, incarne la dérive sécuritaire et le décalage entre les élites et la rue.
Le ton de Rivet est celui du témoin goguenard plus que du polémiste. En moquant le ridicule des postures, il saisit le climat politique d’une France fatiguée des chefs. Après la flambée nationaliste de 1924, les meetings de la droite deviennent des numéros de cabaret. Rivet n’a pas besoin d’ajouter d’invectives : le rire du public suffit à dire la faillite du discours.
Ce reportage à la fois comique et acide illustre la force du Canard de ces années-là : réduire la politique à son théâtre, démonter le prestige des puissants par le détail risible, rendre dérisoire ce qui prétend être grand. Sous les projecteurs de Marseille, Millerand voulait rallumer la flamme patriotique ; Rivet, lui, n’a vu qu’une bougie qui vacillait.

      



