L’édition du 27 juin 1917 marque une petite date dans l’histoire du Canard enchaîné : la première apparition de Pierre Mac Orlan, futur romancier reconnu, qui apporte ici son goût du conte insolite et du fantastique teinté d’ironie. L’article s’inscrit dans une série intitulée Les Contes du Canard et porte un titre sobre, Dolly.

Sous couvert d’une anecdote de table, Mac Orlan invente un récit où une huître savante — capable de compter, de dessiner, d’ouvrir et de refermer sa coquille à la demande — tient la vedette. Le ton oscille entre admiration naïve et satire malicieuse, jusqu’à la chute : un inconnu démontre qu’il n’y a finalement qu’une seule véritable manière d’« utiliser » une huître, en l’avalant sans fioritures.

Derrière la cocasserie, on reconnaît le talent de Mac Orlan pour mêler le merveilleux et le trivial, le faux merveilleux scientifique et la brutalité des choses simples. Dans un hebdomadaire où la satire politique domine, ce conte détonne, mais il ouvre une voie : celle d’un humour plus absurde, où l’imaginaire devient une arme aussi efficace que la caricature ou le pamphlet. Le choix de publier Dolly aux côtés des charges contre les « bourreurs de crâne » témoigne de la volonté du Canard de varier ses registres tout en gardant sa veine subversive.

Ce premier texte fait ainsi entrer Mac Orlan dans la grande famille du Canard, où sa plume, encore légère ici, trouvera à s’épanouir dans d’autres exercices.