N° 594 du Canard Enchaîné – 16 Novembre 1927
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16 novembre 1927 : “Maginot ! Maginot !” – le cri des poilus contre l’oubli
Quand André Maginot fut hué à Versailles, Le Canard enchaîné entendit dans ces sifflets la voix de la vraie France : celle des anciens combattants trahis par les discours et les rubans. Pierre Scize signe un texte d’une force bouleversante, où l’émotion des mutilés et la honte des vivants se heurtent. Une leçon d’honneur, venue du cœur de 1927, toujours brûlante.
Le général Hervé s’en va-t-en guerre ! dessin de Raoul Guérin.
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🪶 Commentaire – “Maginot ! Maginot !” de Pierre Scize (Le Canard enchaîné, 16 novembre 1927)
Pierre Scize, plume vibrante du Canard enchaîné, saisit dans ce texte toute la charge symbolique d’un nom : Maginot. Ce ministre des Pensions, chantre officiel du patriotisme d’après-guerre, incarne à ses yeux la trahison morale d’une République qui, neuf ans après l’armistice, continue d’instrumentaliser ses morts tout en négligeant ses vivants.
L’article fait écho à la manifestation des anciens combattants pacifistes qui, à Versailles, huèrent André Maginot lors d’une cérémonie officielle. Dans ce cri collectif — “Maginot ! Maginot !” — Scize entend moins une insulte qu’un sursaut d’honneur populaire : celui d’hommes usés, amputés, meurtris, qui refusent d’être enrôlés dans la liturgie d’un patriotisme de salon.
Avec une intensité presque théâtrale, Scize oppose deux mondes : celui des “gueules cassées”, pauvres héros abandonnés, “sans lèvres, sans yeux, avec du rose sous le sparadrap”, et celui des politiciens compassés, “ficelés de moire rouge”, qui font commerce de la mémoire nationale. La mise en scène versaillaise, saturée d’hypocrisie et de rubans, devient le miroir d’une France oublieuse et repue, où les “loups dévorants” ont remplacé les poilus dans les cortèges.
Le ton, à la fois indigné et lyrique, tranche avec la neutralité journalistique : c’est un réquisitoire moral. Scize ne dénonce pas seulement Maginot, mais “neuf ans de maginotaille”, c’est-à-dire neuf ans d’un système où la guerre, loin d’avoir accouché d’un monde meilleur, a enfanté la peur, la haine et l’exploitation. Les “sifflets” de Versailles deviennent ainsi une musique rédemptrice : “Un miracle s’opérait… l’unité des anciens combattants se faisait contre.”
Sous la plume de Scize, l’ironie se mue en colère contenue. L’auteur s’adresse directement au ministre, pour mieux lui ôter la légitimité morale qu’il prétend incarner : “Ce qu’on sifflait, c’était neuf ans de politique et d’affaires, de duplicité et de culte pharisien rendu aux morts.” En conclusion, l’auteur se repent presque : “Mes camarades, j’avais douté de vous. Je vous demande pardon.” — comme si ce texte était autant un article qu’une confession publique.
À travers Maginot, c’est tout un pays que Scize met face à son hypocrisie commémorative. Son article résonne comme une gifle à la Troisième République, qui panthéonise les poètes morts tout en bâillonnant les vivants. Ce cri d’honneur et de fraternité, venu du Canard enchaîné, s’inscrit dans la lignée des plus puissants éditoriaux pacifistes de l’entre-deux-guerres : lucides, fraternels, et d’une sincérité sans fard.





