N° 60 du Canard Enchaîné – 22 Août 1917
N° 60 du Canard Enchaîné – 22 Août 1917
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Le Canard enchaîné pousse le cabotinage jusqu’au bout : après avoir sacré ses « bourreurs de crâne », le voici qui inaugure son propre « Grand Théâtre » ! Avec affiches et distribution à l’appui, tout le gratin de la propagande — Hervé, Barrès, Waleffe, Clemenceau, Maurras, Humbert — devient acteur d’une revue de gala en cinq actes et mille tableaux. Un pastiche mordant où les vanités politiques se changent en rôles de boulevard. Rideau !
Exégèse
Quand Maurice Barrès se mêle de théologie et de diplomatie, cela donne une « exégèse » cocasse où le pape se retrouve convoqué rue de Grenelle. Dans cette charge jubilatoire, La Fouchardière démonte, à coups de dialogues fictifs et de piques corrosives, les postures pontifiantes du grand patriote.
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L’été 1917 voit le Canard enchaîné affiner une de ses armes les plus efficaces : le pastiche théâtral. L’encart du 22 août annonce en grande pompe l’« inauguration du Grand Théâtre du Canard enchaîné », avec un programme qui fait pâlir d’envie les scènes parisiennes : Les Poilus de Pégomas, revue de gala « en cinq actes et mille tableaux ». Le ton est donné : Gustave Hervé y tient le rôle du traître, Clemenceau devient « l’inspecteur de la Sûreté », Maurice de Waleffe « l’instigateur du crime », tandis que Maurras, Bunau-Varilla et Humbert se voient affublés de titres grotesques (l’homme-rasoir, l’homme-thermomètre, l’homme-canon). Au deuxième acte, place au ballet des Bourreurs de crâne — véritable chœur comique de la presse belliciste.
Le 29 août, Maurice Maréchal prolonge cette farce en donnant l’illusion d’un reportage mondain sur l’inauguration. L’article décrit façade et décors, invente des biographies loufoques pour les « artistes », et attribue à chacun ses travers politiques sous la forme de talents de cabotin. Gustave Hervé, par exemple, n’est plus l’ancien antimilitariste retourné mais un comédien spécialisé dans les rôles de traîtres. Clemenceau, lui, est rappelé à ses débuts théâtraux de 1871, caricaturé comme un acteur cabotin avant de devenir le « Tigre ». Quant à Maurice de Waleffe, il est rebaptisé Caruyvelts, son véritable patronyme, et renvoyé à ses campagnes de presse nationalistes.
Ce « Grand Théâtre » illustre parfaitement l’art du Canard : ridiculiser les discours solennels en les replaçant dans le registre du divertissement. Derrière le trait satirique, c’est une dénonciation : la guerre n’est-elle pas aussi une mise en scène permanente, où chacun joue son rôle au détriment du public — ici les poilus ? Le rire devient ainsi une arme politique, et le journal réussit à tourner la propagande officielle en vaudeville de bas étage.
Dans l’édition du 22 août 1917, Georges de La Fouchardière poursuit sa croisade contre Maurice Barrès, cible récurrente du Canard enchaîné. L’article, intitulé Exégèse, se présente comme une parodie d’entretien où l’académicien nationaliste, soudain conseiller en affaires spirituelles, se met en tête d’expliquer la position du pape sur la guerre.
Le procédé satirique repose sur le décalage entre la solennité du ton et la vacuité du propos. Barrès est montré comme un homme prêt à tout embrasser – diplomatie, religion, patriotisme – sans rien comprendre réellement des enjeux. La Fouchardière multiplie les dialogues fictifs et les apartés ironiques : on y voit défiler prêtres, académiciens et même la figure tutélaire de Saint-Sulpice, tous convoqués pour mieux ridiculiser la prétendue « autorité morale » du polémiste.
Le texte souligne l’absurdité de la posture de Barrès : en prétendant parler au nom de Dieu et du pape, il révèle surtout son goût pour les poses théâtrales et sa volonté de faire du catholicisme un accessoire nationaliste. Derrière la verve burlesque, c’est une critique frontale de l’instrumentalisation de la religion par la droite nationaliste, et plus largement du ton sentencieux de la presse de guerre.
En choisissant le registre du pastiche théologique, La Fouchardière renouvelle sa satire : Barrès n’est plus seulement l’« ennuyeux bourreur de crâne », il devient un « faux docteur de l’Église », prompt à se draper dans la soutane quand cela sert sa rhétorique patriotarde. Le Canard met ainsi en évidence un travers central de la propagande de guerre : faire passer des opinions politiques pour des vérités sacrées.





