N° 633 du Canard Enchaîné – 15 Août 1928
N° 633 du Canard Enchaîné – 15 Août 1928
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Quand Le Canard enchaîné inventait la campagne de Hoover et Smith
Une parodie jubilatoire de la présidentielle américaine de 1928
Le 15 août 1928, Le Canard enchaîné s’invite avec humour dans la campagne présidentielle américaine opposant Herbert Hoover à Al Smith. Le premier y prêche l’amour de l’eau… avec absinthe et vermouth ; le second célèbre le whisky et les baisers aux vaches texanes. Sous couvert d’un « câble spécial », le Canard s’amuse à tourner en dérision la politique spectacle et la moralité puritaine made in USA. Une satire qui, derrière le rire, pointe déjà les contradictions d’une Amérique puritaine, prospère — et au bord du krach.
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À la mi-août 1928, Le Canard enchaîné consacre sa troisième page à deux articles apparemment informatifs : « M. H. Hoover prononce un magnifique discours » et « Un succès pour M. Smith ». Le ton sérieux des titres ne trompe pas longtemps. On est ici en plein Canard, celui des grandes années de pastiche et de dérision journalistique, où la « nouvelle internationale » devient un prétexte à moquer l’absurdité du discours politique — et des correspondances de presse.
Les protagonistes sont bien réels : Herbert Hoover, candidat républicain, ingénieur prospère et apôtre de la tempérance, affronte Al Smith, démocrate new-yorkais, catholique et « humide » — c’est-à-dire hostile à la Prohibition. Pour les lecteurs français, cette campagne lointaine évoque une Amérique puritaine, divisée entre buveurs de whisky et apôtres de l’eau claire. Le Canard s’en empare pour en faire un feuilleton burlesque.
Le « reportage » ouvre sur le discours inaugural de Hoover à Stanford. Mais tout tourne à la farce : l’orateur, accompagné du nageur Weissmuller et de « Chariot » (Charlot, alias Chaplin), promet de « faire aimer l’eau aux Américains » à grand renfort de cocktails anisés et de vermouth — manière de tourner en ridicule la Prohibition. Son slogan devient une parodie de tempérance :
« Nous entamerons une gigantesque campagne pour leur faire aimer l’eau… avec de l’absinthe, de l’anis et de l’amer. »
Le sérieux du ton journalistique accentue la satire : sous couvert d’une dépêche d’agence, Le Canard transforme Hoover en prêcheur grotesque, qui veut « pacifier le Mexique » tout en professant l’amour universel. L’hypocrisie du discours américain sur la paix et la morale est ainsi mise à nu par l’humour absurde.
Le deuxième article, « Un succès pour M. Smith », pousse encore plus loin la parodie. Tout y est faux, et tout sonne vrai : un industriel imaginaire, « M. Pierre du Pont (sic), roi de quelque chose », déclare son soutien au démocrate en frappant la table :
« Je boirais bien une bouteille de whisky ! »
Ce cri du cœur, aussitôt interprété comme un manifeste politique, suffit à enflammer la presse. Hoover réplique par un télégramme furieux (« Cher vieux industriel… ») et une photo de propagande où il tente de faire le tour d’un arbre main dans la main avec des promeneurs. Smith répond par un cliché rival : lui-même embrassant sa nourrice entouré de vaches texanes et d’un shérif. Le ridicule devient un art.
Sous la farce, Le Canard dit beaucoup du climat politique des années 1920 : la communication politique devient spectacle, la morale sert d’outil électoral, et la presse amplifie la moindre anecdote. En imitant le ton d’un câble spécial de New York, le journal se moque aussi de ses confrères français fascinés par le modèle américain, prompts à relayer ses clichés.
Enfin, l’épilogue — « Hoover a organisé une grande course de chevaux avec distribution gratuite de Bibles » — scelle la satire : la religion, l’argent et le show s’y confondent. Quatre mois avant l’élection réelle de Hoover, Le Canard avait déjà tout compris : l’Amérique des “magnifiques discours” allait bientôt découvrir la gueule de bois de 1929.





