N° 710 du Canard Enchaîné – 5 Février 1930
N° 710 du Canard Enchaîné – 5 Février 1930
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5 février 1930 — Le “réalisme” de M. Tardieu sur les rails
Quand Le Canard enchaîné salue le “triomphe” du président du Conseil
À peine descendu du train, André Tardieu aurait, selon Le Canard, « éclairci l’atmosphère politique » à coups de déclarations et d’autosatisfaction. La scène, dessinée par Dubosc, tient du vaudeville : une gare, des chapeaux melons, des acclamations convenues. Sous la fausse ferveur, Pierre Bénard — ou un confrère du même ton — fustige un pouvoir qui confond réalisme et illusion. 1930 : quand la politique roulait à toute vapeur… dans le vide.
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Le retour triomphal de M. Tardieu a éclairci l’atmosphère politique
Sous le titre faussement triomphal « Le retour de M. Tardieu a éclairci l’atmosphère politique », Le Canard enchaîné du 5 février 1930 livre une charge d’une ironie éclatante contre le président du Conseil André Tardieu, dont le « réalisme » autoproclamé sert ici de prétexte à une satire du pouvoir satisfait. En une parodie de reportage enthousiaste, l’article ridiculise l’autocélébration gouvernementale d’une France en crise.
L’année 1930 s’ouvre sur un climat politique et social tendu : la crise économique venue d’Amérique commence à frapper l’Europe, les finances publiques se dégradent, et les projets de Tardieu – notamment sur les assurances sociales – divisent la majorité. Or, à lire Le Canard, tout irait pour le mieux. À peine descendu du train, le président du Conseil aurait « éclairci l’atmosphère politique en trois coups de cuiller à pot », accueilli sur le quai de la gare du Nord par une foule de fidèles, préfets, policiers et lampistes, criant : « Vive Tardieu ! Vive la P.J. ! »
La scène évoque une comédie militaire, que le dessin de Dubosc rend savoureuse : un Tardieu le menton prognathe, marchant devant un bataillon d’admirateurs en chapeau melon, tandis que la locomotive fume comme un encensoir. L’humour visuel renforce la caricature textuelle : le culte du chef en République.
Bientôt, la chronique déroule un programme républicain qui confine à l’absurde. On y lit : « Rentrée des congrégations », « Débarquement en douce de Loucheur », « Rétablissement du piquet de grève en armes » ou encore « Affectation des plus-values budgétaires à la N’Goko-Sangha et à la Homs Bagdad ». Tout est parodie : la France de Tardieu n’a plus de mesure, ni géographique ni morale. Derrière la fantaisie des formules, Le Canard vise la dérive d’un gouvernement qui s’enorgueillit de son efficacité alors qu’il n’avance que dans la rhétorique.
Le « réalisme » de Tardieu, expression clé de son discours politique, devient sous la plume du journal un mot creux, répété jusqu’à la nausée. Le Canard y voit moins une méthode qu’un slogan de technocrate persuadé que gouverner, c’est administrer les apparences. L’article se conclut d’ailleurs sur un chef-d’œuvre d’ironie : un radical, M. Archimbaud, se précipite à Valence pour rejoindre la majorité, trop tard : le ministère est complet. Le Canard jubile de cette bousculade burlesque, où les ralliements ressemblent à une foire d’empoigne.
Cette chronique, comme souvent en 1930, illustre le ton acéré du journal : sous des dehors badins, une critique frontale du pouvoir. Tardieu, qu’on surnommait « le Mirobolant » pour sa confiance en soi, concentre l’antipathie d’un hebdomadaire attaché à la liberté de ton et hostile à la langue technocratique. Son retour triomphal devient une mascarade bureaucratique où le « réalisme » masque l’immobilisme.
Entre les lignes, on devine le vrai diagnostic du Canard : l’atmosphère politique française est effectivement « éclaircie », mais seulement parce que la brume de la pensée critique s’est dissipée devant le grand soleil du conformisme. En 1930 déjà, l’humour du Canard voyait juste : le rire reste la meilleure arme contre les gouvernements trop sûrs de leur propre sérieux.





