N° 712 du Canard Enchaîné – 19 Février 1930
N° 712 du Canard Enchaîné – 19 Février 1930
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19 février 1930 — En plein accord… avec l’absurde
Drégerin et le “général de Saint-Just” en croisade contre les impôts
Sous couvert de patriotisme, Le Canard enchaîné raille les dogmes du gouvernement Tardieu et les illusions d’une France “réaliste”. Dans sa chronique du 19 février 1930, Drégerin feint de marcher « main dans la main » avec le général de Saint-Just, caricature du Français râleur et radin. Derrière le sourire, une satire cinglante : celle d’une République engluée dans la crise et les affaires, où le bon sens a cédé la place au comique involontaire des puissants.
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En plein accord avec le Général
Sous un titre à double fond, « En plein accord avec le Général », Le Canard enchaîné du 19 février 1930 poursuit sa chronique du gouvernement Tardieu, entre ironie bien huilée et satire de la “haute doctrine”. Le « général » dont il est question n’est pas encore un De Gaulle à venir, mais le général de Saint-Just, figure burlesque et fictive que le Canard a inventée comme porte-parole d’un patriotisme de comptoir — tout à la fois réactionnaire, cocardier et avare. L’article, signé Drégerin, joue de cette connivence : Le Canard et le général « marchent des deux mains dans la même manière de voir ». C’est dire combien le texte respire le second degré.
Le prétexte de la chronique est une tirade du général de Saint-Just — un personnage satirique déjà familier des lecteurs — qui, du haut de sa “tribune”, fustige « ces étrangers de ce peuple de France » qui veulent bien verser leur sang mais pas leurs impôts. Le Canard fait mine d’applaudir : « Donner notre fric ? Bien sûr. Seulement pas à n’importe qui. » Le ton est donné. L’humour repose sur une inversion du patriotisme : le journal feint de partager le chauvinisme de ses cibles pour mieux en souligner le ridicule.
Sous couvert de soutien au « général », Drégerin vise la politique financière d’André Tardieu, président du Conseil depuis novembre 1929. L’allusion au « Homs-Bagdad » et à la « N’Goko Sangha » — deux sociétés coloniales à capitaux douteux où l’État français a investi — renvoie aux scandales politico-financiers de la décennie. Le Canard ironise : « Nous avons l’esprit assez large pour nous mettre au-dessus de ces misères. Mais c’est plutôt à cause que la tête de M. Tardieu nous rappelle fâcheusement celle d’un mouton de maison centrale. » Le trait est assassin, typique du Canard de ces années : une moquerie physique qui devient arme politique.
Plus loin, le texte enchaîne sur une galerie de portraits : Poincaré, Doumer, Loucheur, Clémentel — autant de figures de la IIIᵉ République bousculées à coups d’aphorismes. Poincaré, qu’on imagine gourmand, « aimerait la cuisine à l’huile », mais Tardieu, lui, ne jure que par le régime sec du réalisme budgétaire. Doumer, futur président de la République, ne serait acceptable qu’à condition de se raser — clin d’œil à la manie du Canard de juger les ministres sur leur barbe. Même Clémentel, mort depuis 1928, est rappelé à la rescousse, comme si la politique française vivait dans un éternel retour de figures usées.
Sous cette légèreté, le Canard glisse un message plus grave : la défiance. « On n’a pas confiance, quoi ! » répète Drégerin. La crise ministérielle, la spéculation, les affaires coloniales nourrissent un scepticisme que le journal transforme en comédie. En pleine instabilité gouvernementale — Tardieu tombera d’ailleurs en décembre 1930 —, la satire joue le rôle d’un exutoire populaire : rire des “doctrines” et des “directives” devient une manière de s’en détacher.
En ce début de 1930, la France doute de tout, mais le Canard, lui, garde le cap : celui de l’ironie. Avec le “général de Saint-Just”, il signe une parodie d’union nationale où personne ne croit à rien, sauf peut-être à la liberté de se moquer.





