N° 779 du Canard Enchaîné – 3 Juin 1931
N° 779 du Canard Enchaîné – 3 Juin 1931
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4 juin 1931 — Pierre Scize dresse le “Bilan des couillonnés”
Après la chute de Briand, le Canard enchaîné rit jaune
Aristide Briand vient d’être renversé, remplacé par Laval, et la France pleure son “pèlerin de la paix”. Dans une charge implacable, Pierre Scize transforme l’idole en symbole : celui d’un pays bercé d’illusions et trahi par ses propres marionnettistes. “Vive Briand !” ? Non, répond le Canard : “Vive la paix — malgré eux.”
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Bilan des couillonnés
Le 4 juin 1931, Pierre Scize publie à la une du Canard enchaîné un texte magistralement cruel intitulé « Bilan des couillonnés ». En une, le titre claque comme un coup de bec : il résume l’amertume du moment et le désenchantement d’une France qui vient d’assister à la chute — une de plus — d’Aristide Briand, symbole déchu du pacifisme républicain et des illusions politiques de la IIIᵉ République.
Depuis 1930, Briand, vieux routier de la diplomatie, défend à Genève devant la Société des Nations (SDN) une vision audacieuse : celle d’une union européenne fondée sur la coopération économique et la paix. Mais dans un pays où les tensions politiques s’aiguisent et où la crise économique mondiale ravive les réflexes nationalistes, ses appels au désarmement et à la fraternité franco-allemande apparaissent comme des rêveries d’utopiste. En mai 1931, son dernier gouvernement s’effondre sous les coups conjugués de la droite et des radicaux. Briand est renversé, humilié, remplacé par Pierre Laval — son ancien ami, devenu son fossoyeur.
C’est à cette farce tragique que Scize s’attaque. Le Canard avait déjà soutenu l’idéal pacifiste de Briand ; mais ici, il règle ses comptes, non pas avec l’homme, mais avec le système qui l’a englouti. L’article s’ouvre sur une phrase-choc : « Il faut faire le point, car on n’y voit plus très clair. » Suit une longue dissection du désastre, où le journaliste mêle ironie, colère et désillusion. Il énumère les “deux cents saligauds présumés” du Parlement, responsables de la chute du ministre, et la “tribu des maringouins” — les parasites politiques et médiatiques — qui dansent autour de sa dépouille.
Mais l’attaque la plus acérée est réservée à la comédie du retour : Briand, “vaincu”, démissionne, puis revient aussitôt, mandaté pour représenter la France à Genève. Scize s’en amuse férocement : “Le bâton de pèlerin” brandi par le ministre devient sous sa plume une canne à pêche, et la “croisade pour la paix” une “cacade”. La scène du retour à Paris, avec les foules criant “Vive Briand !”, vire à la satire collective : ce ne sont plus seulement les politiciens, mais tout un peuple de “pauvres couillons” qui se laissent abuser par la théâtralité républicaine.
Pour autant, Scize n’épargne pas totalement Briand. Il reconnaît sa sincérité, mais le juge fatigué, vaincu par l’âge et par le rêve. L’ancien “homme de la paix” est désormais prisonnier d’une cour intéressée et de journalistes serviles “qui ne peuvent comprendre qu’on s’en aille quand il y a encore quarante millions de fonds secrets à se partager”. Le ton devient amer, presque élégiaque : derrière la verve du pamphlétaire perce une désillusion lucide sur la faillite morale de la classe politique.
Pour conclure, Scize en appelle non plus à un homme, mais à un principe : “Nous ne crierons peut-être plus ‘Vive Briand !’, mais plus que jamais : ‘Vive la Paix !’”
C’est toute l’intelligence du Canard : ne pas confondre le combat avec le combattant, ni la foi avec ses faux prophètes. En 1931, la paix de Briand s’éteint — mais le Canard, lui, reste fidèle à l’idéal, en se moquant des illusions qui le trahissent.





