N° 796 du Canard Enchaîné – 30 Septembre 1931
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30 septembre 1931 — Maginot, pacifiste d’estrade
Drégerin croque le ministre de la Guerre en prophète du désarmement… au bar de Maxim’s
Entre deux Who-Whoo-cocktails, André Maginot vante la paix et plaisante sur la guerre. Dans ce faux entretien désopilant, Le Canard dévoile l’hypocrisie d’un pacifisme de salon : sous la moustache du ministre, la ligne Maginot pousse déjà. Une satire savoureuse d’un monde où l’on rêve de désarmer… sans jamais poser le verre.
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Importantes déclarations pacifistes de M. André Maginot
Le 30 septembre 1931, Le Canard enchaîné ouvre sa une sur un titre à double détente : « Importantes déclarations pacifistes de M. André Maginot ». Signé Drégerin, l’article est une satire irrésistible où le ministre de la Guerre, présenté en faux apôtre du désarmement, devient la caricature même du militarisme satisfait. À travers un faux entretien plein d’humour et de sous-entendus, le Canard dresse un portrait au vitriol d’un pouvoir qui parle de paix tout en continuant à bâtir des forteresses.
Nous sommes à l’automne 1931 : André Maginot, ministre de la Guerre du gouvernement Laval, vient de prononcer un discours à Varennes-en-Argonne – haut lieu de mémoire de la Grande Guerre – où il a, semble-t-il, tenu des propos en faveur du désarmement. Or ces propos interviennent dans un contexte paradoxal : la France, traumatisée par 1914-1918, prône la paix dans les conférences internationales tout en érigeant la ligne de fortifications qui portera bientôt son nom. Maginot, patriote sincère mais prisonnier de la logique défensive de son temps, devient ici la cible idéale du Canard.
Dès la première phrase, le ton est donné : « Les ennemis de notre sécurité penseront ce qu’ils voudront du discours de M. André Maginot à Varennes-en-Argonne. » Derrière l’apparente neutralité journalistique, Drégerin installe un comique de contraste : ce ministre censé parler de désarmement n’a « plus rien à se mettre sous la dent » depuis le dernier article de Poincaré — autrement dit, il faut bien qu’il dise quelque chose pour exister. Le Canard manie ici la litote avec brio : sous couvert d’éloges, il démonte l’hypocrisie d’un système où le mot « paix » sert de couverture à la continuité guerrière.
Suit un faux entretien entre le journaliste et le ministre, imaginé comme une scène de café mondain. Maginot reçoit l’auteur « dans son cabinet de travail, hier, chez Maxim’s ». Ce détail suffit à tout dire : la solennité du discours officiel se dissout dans la frivolité parisienne. Le ministre, goguenard, commande des Who-Whoo-cocktails, plaisante sur la « fièvre » que ses discours donneront à ses adversaires et parle du désarmement comme d’un numéro de cabaret. Drégerin pousse l’ironie jusqu’à l’absurde : « Je tâche un peu d’aller poser ailleurs, et de nous fourrer la paix pendant trois minutes », dit Maginot entre deux gorgées.
Ce comique de situation cache une critique sévère : celle d’un pacifisme de façade, réduit à des paroles creuses et des poses médiatiques. En feignant de prendre Maginot au mot, le Canard souligne que la « France régénérée » qu’il invoque reste celle qui se prépare à une prochaine guerre. La mention moqueuse de ses « déclarations énergétiques » résonne ironiquement : l’énergie du ministre se dépense en discours, non en actes.
Dans la seconde moitié du texte, Drégerin accentue la charge. Le ministre de la Guerre parle du désarmement en des termes incohérents : « Désarmer, désarmer… c’est joli à la bouche. Mais les adjudants ? Les généraux ? Et puis, un an de service, c’est trop court… » Tout est dit : sous couvert de paix, Maginot défend le statu quo militaire. Le Canard pointe l’absurdité d’une France qui, tout en s’affichant pacifique à Genève, entretient des garnisons pléthoriques et des budgets de défense gonflés.
L’article se clôt sur une digression cocasse, où Maginot compare la coupe de cheveux des jeunes officiers à la discipline des troupes : « Trop longs, les cheveux… allures d’artistes qui ne conviennent pas à une troupe. » L’humour devient ici symbole : le désarmement, pour ce ministre, n’est qu’une question de coiffure. En jouant sur le registre léger, Drégerin livre une leçon politique implacable : dans la France de 1931, la paix n’est encore qu’un mot, bien peigné, qu’on prononce entre deux verres.

      



