N° 803 du Canard Enchaîné – 18 Novembre 1931
N° 803 du Canard Enchaîné – 18 Novembre 1931
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L’Exposition coloniale a été solennellement fermée
18 Novembre 1931 : les canons tonnent à Vincennes — non pour l’Empire triomphant, mais pour annoncer la fin de l’Exposition coloniale. Dans un article irrésistible, André Dahl enterre la « féerie » à coups de cocasseries : pavillons vendus aux Halles, totems recyclés pour le Sénat, Mistinguett achetant un souk et Doumer « recousant le ruban » de la cérémonie. Sous la blague, une vérité : la grandeur coloniale se défait comme un décor de foire. Au moment où Paris plie son empire en caisses, Le Canard enchaîné signe l’un des plus drôles — et plus lucides — épitaphes de la République impériale.
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18 novembre 1931 : le rideau retombe sur l’Exposition coloniale
Quand le Canard enterre la féerie coloniale à coups de cocasseries
Le 18 novembre 1931, Le Canard enchaîné publie en une un article d’André Dahl sur la clôture de l’Exposition coloniale internationale, qui avait transformé le bois de Vincennes, depuis mai, en vitrine géante de l’Empire français. Mais sous le titre en apparence neutre — « L’Exposition coloniale a été solennellement fermée » —, le journal livre un chef-d’œuvre de satire, une nécrologie joyeusement absurde d’un événement que la presse officielle, elle, célébrait encore comme une apothéose.
« C’en est fait ! la féerie a vécu », annonce Dahl, reprenant le ton pompeux des journaux du matin pour mieux le tourner en dérision. Les « cent coups de canon » tirés à 23 h 59 sont l’unique panache d’une fin pathétique : un Empire qu’on remet en caisse, un décor qu’on démonte à la hâte. La cérémonie, écrit-il, « a été des plus simples » — on a repris les troupes et le parcours de l’inauguration, mais « en marche arrière ». Même le ministre Maginot, note-t-il avec malice, a dû renoncer à objecter qu’un soldat français « ne recule jamais », une bouteille d’armagnac aidant à lui faire entendre raison.
Tout l’article fonctionne sur cette mécanique du dégonflage. Là où le gouvernement, la presse et les organisateurs veulent voir un moment de grandeur impériale, Dahl décrit un bazar en liquidation. Les pavillons sont « vendus aux Halles », le Livre d’or « disparu », les totems du Congo belge « iront au Luxembourg » pour égayer les sénateurs assoupis. Les monuments de l’Empire deviennent accessoires de bric-à-brac : Mistinguett achète un souk « parce qu’elle est un peu près de ses sous », Franklin-Bouillon rachète le pavillon du Kub pour en faire « un poste d’observation », et Paul Valéry emporte « l’école du village sénégalais » pour écrire « en petit-nègre ». Chaque détail accentue la farce grinçante : derrière l’humour, on devine la critique d’une France qui consomme son empire comme un décor de théâtre.
Le dessin de Grove, inséré au milieu de la page, parachève cette ironie. Sous une enseigne « Entrée – choucroute garnie à profiter de suite », un éléphant empaillé accueille les curieux tandis que des gardes coloniaux font le salut militaire. L’animal totem de l’Empire finit en réclame pour charcuterie : symbole grotesque d’une grandeur mise en bocaux.
Dahl pousse même la moquerie jusqu’à l’ultime note : le président Doumer, venu « coudre lui-même les morceaux du ruban » qu’il venait de couper. Geste dérisoire d’un pouvoir qui ferme une parenthèse sans rien comprendre à ce qu’elle disait. Le Canard, fidèle à son art du renversement, ne s’en prend pas directement au colonialisme, mais en montre la caricature — l’artifice, la vacuité, la mise en scène. En 1931, au moment où la France veut croire encore à son « empire éternel », le journal satirique perçoit déjà que cette foi touche à sa fin : derrière les fanfares, la débâcle se profile.
La dernière phrase résume tout : « Le maréchal Lyautey, brusquement sevré de banquets officiels, accepte désormais à dîner n’importe où, pourvu que ça ne lui coûte rien. » L’Empire, vidé de sa superbe, rentre à la maison. La République coloniale peut bien se donner des airs de victoire : Le Canard, lui, signe son oraison funèbre en riant.





