N° 804 du Canard Enchaîné – 25 Novembre 1931
N° 804 du Canard Enchaîné – 25 Novembre 1931
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La guerre du maquis
Novembre 1931 : la France suit passionnément la traque du bandit corse Spada. Le Canard enchaîné, lui, s’en délecte. Sous le titre « La guerre du maquis », il ridiculise les communiqués officiels, les tanks mobilisés et les « 600 gardes mobiles appuyés par l’escadre de la Méditerranée » pour traquer un seul homme. Le président Doumer commande une casquette, le général Fournier proclame « Pas de sommations ! », et à Toulon, la police arrête… un député. Avec le dessin de Pruvost, le Canard fait de l’affaire Spada une farce d’État : quand la République joue à la guerre pour attraper un « bandit d’honneur ».
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25 novembre 1931 : la guerre du maquis, ou le bandit Spada en feuilleton tricolore
Quand la République se prend pour Buffalo Bill
En ce mercredi 25 novembre 1931, Le Canard enchaîné fait feu de tout bois contre la grandiloquence des communiqués officiels venus de Corse. Depuis plusieurs semaines, la presse parisienne suit avec ferveur les aventures du bandit Spada, criminel corse insaisissable devenu le cauchemar de la gendarmerie et la vedette des journaux.
Sous le titre épique « La guerre du maquis — Le mot d’ordre est plus que jamais : Confiance », Le Canard transforme cette traque en opérette militaire.
Tout commence par un « communiqué officiel » digne des bulletins du front :
11 heures — Rien à signaler sur le front de Corse.
17 heures — Situation inchangée.
Le ton est donné : la guerre du maquis a ses états-majors, ses tankettes et sa « participation de 600 gardes mobiles appuyés par le feu de l’escadre de la Méditerranée ». Le tout pour traquer un seul homme — ou son ombre. Car, à la fin du rapport, on apprend que « Spada se trouve vraisemblablement ailleurs ». En quelques lignes, le Canard tourne en ridicule le disproportionné appareil répressif lancé à la poursuite d’un bandit isolé.
Suit une série de pastiches hilarants : « M. Paul Doumer commande une casquette » annonce que le président de la République, « plein de patriotisme », se prépare à visiter le front corse dès que son chapelier aura livré la casquette appropriée. Puis vient « Capture imminente de Spada », où l’on découvre que le principal suspect des disparitions de beurre, de fromage râpé et de sucre dans la cuisine du général Fournier n’est autre… que Spada lui-même, soupçonné de se ravitailler à la louche.
En page 2, Le Canard poursuit la plaisanterie : « Une intéressante initiative du général Fournier ». Celui-ci, nous dit-on, vient d’adresser à ses troupes une consigne historique : « Pas de sommations ! » Le journal applaudit l’ordre en le détournant vers le fisc : « Tous les contribuables seront de plein cœur avec le général Fournier. Assez de sommations ! » Le jeu de mots transforme la chasse à l’homme en satire fiscale. Sous la plume anonyme — sans doute Dahl ou Drégerin — la guerre du maquis devient une parabole de la bureaucratie française, absurde, autoritaire et bavarde.
Enfin, le billet « Sur la piste de Spada » clôt la comédie : des Toulonnais, croyant reconnaître le bandit à la terrasse d’un café, font donner la gendarmerie — qui arrête… le député-maire Escartefigue. Le journal s’amuse de cette confusion entre criminel et notable, rappelant à quel point la frontière entre les deux peut parfois se brouiller.
Le dessin de J. Pruvost, en page 2, achève le tableau : un gendarme présente fièrement à un groupe de touristes un rocher en déclarant : « C’est ici, messieurs-dames, que le bandit Spada n’a pas été surpris par la gendarmerie. » La satire du spectacle médiatique est complète : la défaite transformée en monument, la bévue en site touristique.
Dans le contexte de 1931, alors que la France s’enfonce dans la crise économique et que les journaux officiels multiplient les récits héroïques pour entretenir la foi patriotique, Le Canard répond par la parodie. Là où la presse dramatise la Corse en champ de bataille, il ramène la « guerre du maquis » à ce qu’elle est : une pantalonnade administrative. Le style pseudo-militaire, les communiqués creux, les visites présidentielles annoncées pour un coup de chapeau : tout y passe.
Entre le reportage de guerre et le vaudeville, Le Canard enchaîné rappelle que la République adore se raconter des batailles imaginaires — surtout quand elle ne sait plus comment gagner les vraies.





