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N° 820 du Canard Enchaîné – 16 Mars 1932

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Lui et l’Autre

Mars 1932 : Aristide Briand vient d’être enterré. Dans Le Canard enchaîné, André Dahl imagine un dialogue bouleversant entre le pacifiste disparu et le Soldat inconnu. Ensemble, ils constatent que la guerre revient, que les marchands d’armes jubilent, et que la paix n’aura été qu’une parenthèse. « Tu es mort pour rien », dit Briand au Soldat. Quelques mois plus tard, Dahl mourra à son tour, laissant ce texte visionnaire comme un cri d’adieu au siècle.

 

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16 mars 1932 : Briand et le Soldat inconnu, dialogue d’outre-guerre

Une semaine après la mort d’Aristide Briand, Le Canard enchaîné publie un texte d’une intensité rare, signé André Dahl. Sous le titre « Lui et l’Autre », l’auteur imagine un face-à-face au-delà de la mort entre le pacifiste fatigué de Cocherel et le Soldat inconnu. Un dialogue bouleversant où le verbe s’élève comme un réquisitoire. Derrière la prose poétique et la douceur du ton, Dahl livre une charge implacable contre l’hypocrisie des États, la marchandisation du sacrifice et la résurgence de la guerre.

La scène s’ouvre sur la lente descente de Briand dans la terre de Cocherel. Dahl décrit la mort comme un lent dénouement : « On ne meurt pas à la seconde précise où un médecin constate que c’est fini. » L’âme, dit-il, se détache à mesure que tombent les pelletées de terre. Ce réalisme presque mystique prépare l’entrée du fantastique. Dans ce silence funèbre, une silhouette se lève, tend la main au défunt : « Je suis le Soldat inconnu. »

Le ton change alors. Briand reconnaît en lui le symbole des victimes de 14-18 : « Je le savais… pauvre petit, ils t’ont tout pris, jusqu’à ton nom. » Le dialogue, d’abord fraternel, devient un miroir tragique. L’un a consacré sa vie à tenter d’empêcher la guerre, l’autre est mort pour une patrie qui s’apprête à recommencer. Dahl fait de cette rencontre un procès de la civilisation : celui qui a signé le pacte de la paix universelle parle à celui qu’on a enseveli sous un drapeau. Entre eux, la lucidité et la honte.

Le texte, en forme de parabole, condense toute la désillusion des années trente. Briand évoque les funérailles auxquelles il vient d’assister de l’extérieur, observant l’armée qui parade derrière son cercueil. « Toute la guerre accompagnait l’homme de la paix », ironise-t-il, voyant défiler les généraux, les industriels et les diplomates, les mêmes qui avaient profité du carnage. Le Canard ne s’y trompe pas : la République pleure son pacifiste mais continue d’honorer ses marchands d’armes.

Dahl mêle la poésie à la colère. Quand le Soldat inconnu s’étonne de tant d’honneurs, Briand lui répond : « Tu es mort pour rien. » Et la phrase, répétée comme une antienne, prend la force d’un verdict universel. « Pour rien », car la Banque de France amasse déjà de l’or « pour la guerre » ; « pour rien », car Le Creusot prépare ses canons, Kerillis ses affiches, et la Bourse monte à chaque rumeur d’armement. En quelques lignes, Dahl relie la tombe anonyme du Soldat inconnu à la comptabilité cynique du capitalisme d’entre-deux-guerres. Ce n’est plus du journalisme, c’est une exorcisation.

À travers cette confession d’outre-tombe, le Canard trouve un ton que peu de journaux osent adopter : celui du désespoir lucide. Le pacifisme n’est plus un idéal, mais une résistance morale face à la bêtise des puissants. Briand et le Soldat inconnu deviennent les deux pôles d’une même tragédie : l’un incarne la paix trahie, l’autre la jeunesse sacrifiée. Tous deux comprennent que leur sort est lié : « Moi aussi, dit Briand, ma guerre a duré quatorze ans, depuis 1918, et je me suis battu pour rien. »

Ce cri, publié sept mois avant la mort prématurée d’André Dahl, résonne comme un testament. Le journaliste, figure fidèle du Canard depuis les années vingt, n’aura pas vu la guerre suivante, mais il l’a pressentie avec une acuité prophétique. L’Europe s’enfonce dans la crise, la Société des Nations chancelle, le fascisme italien et le militarisme japonais imposent leur loi. En France, les « affairistes » du Creusot prospèrent, et la presse conservatrice se drape dans le patriotisme. Dans ce contexte, la vision de Dahl — un Briand fatigué dialoguant avec l’ombre d’un poilu sans nom — tient du miracle journalistique : une nécrologie transformée en parabole politique.

Dans Lui et l’Autre, la mort n’est pas apaisée. C’est une dernière conversation avant le désastre. Le Canard y dit la vérité nue : que la paix est un combat solitaire, que les morts ont été trahis, et que le monde recommence à enfiler l’uniforme. Dahl, qui devait mourir quelques mois plus tard à 46 ans, signe ici son plus beau texte. Un texte hanté, prémonitoire, et d’une justesse à couper le souffle.