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N° 854 du Canard Enchaîné – 9 Novembre 1932

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Voyages et pourchas d’Édouard Herriot

9 novembre 1932 : hué à Madrid, Édouard Herriot découvre que son pacifisme « inoubliable » ne fait plus rire que le Canard. Dans une chronique magistrale, Pierre Scize transforme le chef du gouvernement en Don Quichotte du radicalisme, pourchassant la gloire et récoltant les sifflets. Derrière la farce, le constat est terrible : la France ne convainc plus personne, pas même elle-même.

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9 novembre 1932 : Herriot hué à Madrid — Pierre Scize déboulonne le “pacifiste impérialiste”

À la une du Canard enchaîné du 9 novembre 1932, Pierre Scize livre une chronique d’une ironie cruelle intitulée « Voyages et pourchas d’Édouard Herriot ». Le titre joue sur une citation attribuée à Herriot — « D’abord, moi, je les pourchasserai » — qu’il avait lancée quelques jours plus tôt au congrès radical de Toulouse, pour dénoncer ses détracteurs. Scize, plume redoutable du Canard, transforme cette rodomontade en boomerang politique. À travers un récit moqueur du voyage d’Herriot en Espagne, il démonte la vanité diplomatique et le pacifisme de parade d’un président du Conseil déconnecté du réel.

Herriot, ambassadeur du Beaujolais et de la suffisance

L’article s’ouvre sur un tableau burlesque : Herriot débarquant à Madrid « en ambassadeur du Beaujolais », les poches pleines de Légions d’honneur et la pipe au bec, persuadé de répandre le message du pacifisme français. Scize croque un personnage gonflé de bons sentiments, « le cœur bourré de scaferlati supérieur et de sentiments démocratiques », mais accueilli sans enthousiasme. La presse madrilène, note-t-il, parle d’un « accueil inoubliable » — un mot que Scize retourne avec un mordant exemplaire : « La conduite de Toulouse qu’on fit un jour à Tardieu sous les gazouillis des sifflets à roulette fut, elle aussi, inoubliable ! »

Car à Madrid, Herriot a été sifflé, hué même, par une foule qui n’a pas goûté les leçons de morale républicaine venues de Paris. L’Espagne vit alors un moment politique explosif : la jeune République née en 1931 vacille entre la gauche anticléricale et la droite monarchiste. En venant prêcher le désarmement et la paix, Herriot, aux yeux des Espagnols, représente non pas la fraternité, mais l’arrogance d’une France donneuse de leçons — celle des traités de Versailles et du « pacifisme impérialiste ».

La diplomatie radicale au ridicule

Scize excelle à transformer la mésaventure diplomatique en farce nationale. L’échec d’Herriot devient symptôme d’un pays qui n’inspire plus ni respect ni crainte : « Le Français, de Madrid à Bergen et d’Oslo à Athènes, paraît un croquemitaine chargé de ferraille belliqueuse. Et le plus triste, c’est que ce croquemitaine a peur ! » Cette peur, explique Scize, n’est pas celle de la guerre, mais celle de déplaire : la France d’Herriot n’agit plus, elle s’excuse d’exister.

À la verve satirique s’ajoute une réelle profondeur politique. Herriot, à la tête du Cartel des gauches revenu au pouvoir en juin, incarne la version molle du pacifisme : celui des discours et des voyages symboliques, sans vision ni courage. Pour Scize, ce pacifisme-là n’est qu’un masque moral servant à masquer l’impuissance. Il n’épargne pas les ridicules du chef du gouvernement : « Ce n’est pas la guerre, c’est la France impérialiste qu’on a sifflée ! » Puis, dans un trait magistral, il ajoute : « Herriot veut jouer les pacifistes, comme Sacha Guitry joue les amants heureux. »

Sous la moquerie, le constat est brutal : Herriot ne comprend pas que la France, en 1932, a perdu le crédit moral de l’après-guerre. Ses sermons sur la paix ne convainquent plus ni ses alliés ni ses voisins. Les nations étrangères voient dans ce “pacifisme” une hypocrisie : celle d’un pays qui exige le désarmement des autres tout en se barricadant derrière la ligne Maginot.

Le pourchasseur pourchassé

Le second volet de la charge porte sur le fameux mot d’Herriot : « D’abord, moi, je les pourchasserai ! » Scize en fait le refrain du ridicule. Dans sa bouche, cette promesse martiale devient une rengaine creuse, un cri de tribun plus qu’un acte d’homme d’État. Il imagine Herriot en chef de gare vociférant sur le quai des promesses non tenues : « Malheur à ceux qui continuent à nous accuser d’impérialisme ! » écrit-il, avant d’ajouter perfidement : « Ne croirait-on pas entendre Dieu le Père après qu’il eût joué au voyeur avec notre maman Ève ? »

Scize dépeint ainsi un politicien de la Troisième République enfermé dans son propre théâtre : l’orateur qui aime s’entendre, l’homme d’idées qui tourne en rond dans ses phrases. L’Espagne lui renvoie l’image d’une France arrogante et usée, d’un pays de fonctionnaires et de moralistes incapable d’assumer ses contradictions. Et Scize, avec un humour de scalpel, tranche : « Tu n’as guère que quelques millions de Français à ‘pourchasser’. »

Un Canard au sommet de son mordant

Ce texte, à la fois cruel et d’une élégance rageuse, témoigne du talent de Scize pour mêler comédie et politique. Derrière le trait, il y a un diagnostic historique : la faillite d’une diplomatie française qui, en 1932, se berce de sa supériorité morale pendant que l’Europe gronde. Quelques mois plus tard, Herriot tombera, emporté par la crise financière et les divisions du Cartel.

Sous la plume de Scize, ce « voyage d’Édouard Herriot » devient un épisode symbolique : celui d’un pays persuadé de parler au nom de la civilisation, et qui ne s’entend plus qu’à travers ses propres échos. Le Canard, lui, continue d’en rire — mais d’un rire lucide, celui de la presse qui sait que, derrière la pipe et le verbe d’Herriot, la République fume à vide.