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N° 857 du Canard Enchaîné – 30 Novembre 1932

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À M. Édouard Herriot, roi de France

30 novembre 1932 : dans une lettre ouverte féroce, Pierre Châtelain-Tailhade s’adresse à « Édouard Herriot, roi de France ». Sous le vernis d’un hommage, il en fait le portrait d’un souverain ridicule et d’une République dégénérée en monarchie de salon. Derrière l’ironie, un constat brutal : la Troisième République se grise de ses discours pendant que le pays s’effrite.

Les juges fraudeurs du fisc, dessin de Monier.

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30 novembre 1932 : Herriot, « roi de France » — quand le Canard renverse la pompe républicaine

À la une du Canard enchaîné du 30 novembre 1932, Pierre Châtelain-Tailhade signe un brûlot littéraire d’une ironie venimeuse : « À M. Édouard Herriot, roi de France ». L’article paraît dix jours après la tentative d’attentat ferroviaire d’Ingrandes-Champ-de-Mars contre le président du Conseil, et une semaine après que Jules Rivet, dans le même journal, a donné naissance au « lampiste ». Mais Chatelain-Tailhade ne se contente pas de prolonger la satire : il en fait une exécution en règle. Sous forme d’une lettre ouverte au ton faussement déférent, il détruit le mythe d’Herriot chef d’État, le réduisant à une caricature de souverain ventripotent, verbeux et content de lui.

« Sire » : la république aux allures de monarchie

Le texte s’ouvre par un mot qu’on n’emploie pas impunément dans les colonnes du Canard : « Sire ». Chatelain-Tailhade installe aussitôt le ton. Ce n’est pas l’hommage au survivant d’un attentat, mais une mise en scène de dérision monarchique. Herriot est couronné d’un sceptre de ridicule, roi d’une France sans grandeur et d’une République qui se prend pour Versailles. L’auteur prévient : « Les dieux me gardent de prononcer l’apologie d’un fait qualifié crime », mais il ne se prive pas pour autant de tourner en dérision la mise en scène d’héroïsme qui entoure Herriot depuis l’attentat d’Ingrandes.

Ce que Chatelain-Tailhade vise, c’est la théâtralisation du pouvoir. Herriot, élu radical-socialiste, président du Conseil depuis juin 1932, est devenu l’incarnation d’une Troisième République bureaucratique et grasse d’autosatisfaction. Sous sa plume, le président n’est plus le pédagogue laïque de la IIIᵉ, mais un monarque bedonnant : « Votre brêle-gueule, vos rondeurs, le style de vos redingotes… votre main sur le cœur et votre mère malade ». En quelques phrases, le portrait est dressé : Herriot n’est pas un homme d’État, mais une image d’Épinal, un bourgeois satisfait de lui-même et convaincu de son importance historique.

Un attentat en carton-pâte

Chatelain-Tailhade tourne ensuite son ironie contre l’attentat lui-même, qu’il réduit à une bouffonnerie de province : « Vos présumés Chouans de Bretagne ne pastichent que médiocrement le geste régicide. » Le Canard, depuis des semaines, ridiculise la maladresse des auteurs — les indépendantistes bretons autour de Célestin Lainé, plus rêveurs que dangereux — et les excès d’une presse parisienne qui transforme l’affaire en épopée nationale.

Le style est volontairement baroque, mêlant le trivial et le solennel. « Les déflagrations dont ils ponctuent vos itinéraires ont le poignant du bruit de coulisse, le mauve tendre du feu de Bengale. » Tout est dit : derrière les fumées du drame, il n’y a qu’un décor de théâtre, une pyrotechnie sans conviction. La prose étincelante de Chatelain-Tailhade, héritier du symbolisme par son nom et du pamphlet par son verbe, sert ici à dynamiter la pompe républicaine. L’attentat devient une farce patriotique, et Herriot, un acteur qui joue le roi dans une opérette de province.

Un pamphlet contre le pouvoir moral

Mais au-delà de la moquerie, c’est une vraie charge politique. En 1932, Herriot dirige un gouvernement fragile, pris entre la crise économique mondiale et les querelles internes du Cartel des gauches. Il incarne la rhétorique du civisme, du pacifisme, du mérite laïque — autant de valeurs qui, sous la plume du Canard, deviennent les signes d’un moralisme usé. Chatelain-Tailhade l’accuse de régner par le verbe et l’autosatisfaction : « Vos tics, vos redingotes, l’imprécision de vos lazzi, qu’égale celle de vos convictions. »

À travers lui, c’est tout un régime qu’il attaque : celui des parlementaires sans courage, des ministres sans idée, des orateurs qui s’écoutent parler. Le Canard, fidèle à sa mission d’ironie républicaine, s’en prend non pas à la République en tant que telle, mais à sa dégradation en caricature monarchique. Herriot devient le symbole d’une élite politique qui parle au nom du peuple, tout en vivant au-dessus de lui.

Le ton du bourreau lettré

Ce qui distingue Chatelain-Tailhade, c’est la cruauté stylisée de son écriture. L’article se termine sur une prophétie féroce : « Jusqu’au jour où, décidés à procurer au monde un épilogue digne de vos comportements, MM. vos dynamiteurs habituels vous conviendront à vous meurtrir vous-même sous l’un de vos discours-massue. » Le ton, entre la malédiction et le sarcasme, vise autant le ridicule que le tragique. Herriot, figure du verbe et de la suffisance, périra non sous la bombe mais sous sa propre logorrhée.

Cette plume, acérée jusqu’à la cruauté, s’inscrit dans la grande tradition du Canard pamphlétaire. En 1932, la France se lasse de ses gouvernants et de leurs discours d’autosatisfaction. L’attentat d’Ingrandes, symptomatique d’un climat d’épuisement politique, offre au journal un prétexte idéal pour renouer avec la verve de la fin des années 1920. Chatelain-Tailhade, avec sa syntaxe d’orfèvre et son venin lettré, signe un texte qui dépasse le simple commentaire politique : un acte de démystification.

Sous le rire, il y a un constat plus grave : la République, à force de se croire éternelle, s’est faite monarchie — et, comme toute monarchie de théâtre, elle finira mal.