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N° 858 du Canard Enchaîné – 7 Décembre 1932

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Le gala de la publicité

7 décembre 1932 : Roger Salardenne s’amuse à imaginer un « gala de la publicité » où Colette vante la crème pour la poitrine et Herriot parle réclame et attentats. Sous l’humour, une charge d’une lucidité mordante : dans la France en crise, tout — la politique, la littérature, l’art — se vend comme un produit. Le Canard, lui, garde son indépendance et son scalpel.

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7 décembre 1932 : le « gala de la publicité » — ou l’art de tourner la société du spectacle en dérision

Dans le Canard enchaîné du 7 décembre 1932, Roger Salardenne signe en page 3 un bijou d’ironie pure : « Le gala de la publicité ». Sous couvert d’un article mondain annonçant une grande manifestation en hommage à la réclame, il livre en réalité une charge féroce contre une époque qui se prosterne devant les idoles du commerce, du spectacle et de la politique. Dans la France en crise du début des années 1930, Salardenne débusque le règne de l’image et de la marchandise — ce que Guy Debord, trente ans plus tard, nommera « la société du spectacle ». Le Canard, lui, en rit déjà.

Une satire du culte publicitaire

« La publicité joue un rôle primordial à notre époque », commence Salardenne. L’entrée en matière pourrait passer pour un hommage sincère. Mais la phrase suivante fait tout basculer : « Sans la publicité, nous n’aurions peut-être jamais connu Maurice Chevalier, les Pilules Sphinx, ni Alice Cocéa, ni l’abbé Soury. » En une ligne, tout est dit : le journalisme, la chanson, la religion et la médecine sont désormais confondus dans le même commerce du prestige. L’auteur feint d’admirer ce monde de réclames, tout en montrant à quel point il est devenu grotesque.

Sous la plume de Salardenne, la publicité devient une religion moderne, avec ses saints (les vedettes), ses reliques (les slogans) et ses miracles (la vente). L’humour réside dans la juxtaposition d’univers dissemblables : les laboratoires pharmaceutiques côtoient les music-halls, les femmes fatales croisent les abbés guérisseurs. Et tout cela au nom du « progrès ». Dans cette confusion des valeurs, on ne vend plus un produit, mais un mode d’existence.

Un faux programme, vraie démolition

La seconde partie de l’article est un faux programme de gala, construit comme une parodie d’agenda mondain. Chaque ligne accentue l’absurdité du monde moderne. À 21 heures, « Mme Colette parlera de quelques produits de beauté » ; à 21 h 45, « M. Édouard Herriot, président du Conseil, donnera un discours sur le rôle de la publicité en politique », avec au passage « des précisions sur l’attentat d’Ingrandes ». Ce mélange de haute politique et de réclame cosmétique illustre à merveille la confusion du politique et du spectaculaire. Herriot, déjà moqué dans les numéros précédents, devient ici un orateur de foire, transformant la politique en publicité pour lui-même.

Le reste du programme enfonce le clou : Pierre Benoit sera « enlevé par les Sinn-Feiners », Paul Reynaud présentera « un défilé de mannequins » et chantera une ritournelle de son « voyage en Amérique ». Même les écrivains — Colette, Montherlant, Grasset — se trouvent ridiculisés, transformés en pantins mondains qui défilent au rythme de la réclame. L’événement culmine à 23 h 55 avec « une controverse amusante sur le savon à barbe ». La boucle est bouclée : la culture, la politique et le commerce se confondent dans une même mascarade.

Tout l’humour de Salardenne réside dans la précision du ton. L’article est écrit à la manière des chroniques de spectacles du Figaro ou du Journal, avec une fausse neutralité bourgeoise. Mais sous cette façade polie, chaque phrase sabote l’objet qu’elle décrit. Le résultat est un morceau d’humour noir typiquement canardesque : plus l’auteur semble sérieux, plus la satire est féroce.

La réclame et la crise : un miroir social

En 1932, la France traverse une crise économique et morale profonde. Le chômage monte, les scandales politiques se multiplient, la confiance dans la presse et les élites s’effrite. Dans ce contexte, la publicité apparaît comme l’unique moteur encore en marche : elle fait vendre, rêver, exister. Le Canard s’en amuse, mais y voit surtout un symptôme. Le journalisme, qu’il soit d’information ou de satire, devient lui aussi produit d’appel ; la politique, spectacle.

C’est dans cette veine que Salardenne s’attaque à Herriot. Le président du Conseil, régulièrement tourné en ridicule depuis l’attentat d’Ingrandes, est ici réduit au rôle d’orateur sponsorisé. « Le rôle de la publicité en politique », glisse-t-il, est sans doute d’autant plus grand qu’elle sert à faire oublier les échecs du Cartel des gauches. Derrière la farce, c’est un portrait lucide de la démocratie médiatique qui se dessine : la République ne se gouverne plus, elle se vend.

Une ironie d’avant-garde

Le « gala de la publicité » est un texte précurseur. Par sa structure absurde, il anticipe le surréalisme satirique d’un Queneau ou d’un Vian. Par son regard critique sur le spectacle et la marchandise, il annonce la pensée des situationnistes. Mais à la différence d’une critique philosophique, celle du Canard passe par le rire : un rire froid, précis, sans indulgence.

En 1932, Salardenne ne s’en prend pas seulement à la réclame commerciale, mais à la publicité comme idéologie : celle d’un monde où tout se vend, jusqu’à la dignité des artistes et des politiques. Sous couvert d’un « grand gala », il orchestre une cérémonie d’enterrement — celle du sérieux, du sens et du verbe.

Une modernité corrosive

À la lecture, le texte garde une modernité désarmante. Il aurait pu être écrit hier : on y retrouve la confusion des genres, l’omniprésence du marketing, l’obsession de l’image et la marchandisation de la culture. En 1932, le Canard percevait déjà ce basculement du réel dans la représentation. Ce qui n’était alors qu’une caricature est devenu, un siècle plus tard, notre quotidien.