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N° 86 du Canard Enchaîné – 20 Février 1918

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89,00 

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🖋️ Sur une élection

À l’Académie française, on ne lit pas forcément les candidats : on les élit. En 1918, c’est le maréchal Joffre qui se voit « couronné » de lauriers académiques, sans avoir jamais écrit une ligne. Rodolphe Bringer, plume du Canard, s’étonne et s’amuse : que vient faire le vainqueur de la Marne parmi les Immortels ? Derrière l’ironie, une critique subtile : l’Académie, en se parant de la gloire militaire, risque d’y perdre son prestige littéraire.

Feuilleton du Canard Enchainé : La Clique du Café Brebis IV, par Pierre Mac Orlan

Point de vue, dessin de Marcel ArnacLa guerre intégrale, dessin de Luc Cyl 

Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix

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Chaque numéro ou journal anniversaire, peut être inséré dans une pochette cadeau au choix, d’un très beau papier pur coton, comportant une illustration originale spécialement réalisée pour COUAC ! par Fabrice Erre ou Laurent Lolmede, ou pour les premiers lecteurs du Canard Enchainé par Lucien Laforge.

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Dans « Sur une élection », publié dans Le Canard enchaîné du 20 février 1918, Rodolphe Bringer s’attaque avec humour à une décision qui fait jaser dans le monde des lettres : l’élection du maréchal Joffre à l’Académie française. L’homme de la Marne, auréolé de gloire militaire, devient Immortel sans avoir jamais publié une ligne. Ce paradoxe fournit à Bringer une matière idéale : un sujet sérieux, enveloppé dans l’absurde, que l’ironie vient mettre en pièces.

Dès les premières lignes, l’auteur adopte un ton faussement candide. À Saint-Mandé, dit-il, on cultive « le respect des antiques traditions », loin des sarcasmes envers ce que la société a de plus sacré : « la Religion, l’Armée, la Justice et l’Administration ». Le lecteur comprend vite que cette solennité est moquée. Derrière l’apparente révérence, Bringer s’amuse déjà des institutions françaises, souvent vénérées avec excès.

Puis il en vient au cœur du sujet : l’annonce de l’entrée de Joffre sous la Coupole. Que vient faire un général dans une institution littéraire ? Bringer rappelle qu’on avait déjà vu entrer des auteurs légers, comme Lavedan ou Donnay, amuseurs publics plus que génies. Mais au moins, eux avaient écrit. Joffre, lui, n’a jamais rédigé autre chose que des ordres militaires. Certes, il a « vaincu le Boche aux Champs Catalauniques » — allusion héroïcomique à la bataille de la Marne en 1914. Mais cette gloire suffit-elle à justifier son intronisation dans une institution censée protéger la langue française ?

Le paradoxe est là : l’Académie, temple des lettres, accueille un général analphabète de plume. Bringer souligne l’absurdité avec finesse : « Joffre mérite d’être un grand général et de n’avoir écrit une ligne. Alors, que fait-il à l’Académie ? » La formule, faussement naïve, dit tout. L’élection est une anomalie qui trahit plus les faiblesses de l’Académie que les mérites de Joffre.

Pour comprendre ce choix, il faut replacer l’épisode dans son contexte. En 1918, la guerre dure depuis plus de trois ans et demi. Le pays, usé par les sacrifices, cherche des figures tutélaires capables de rallier les énergies. Les chefs militaires deviennent des héros civiques. Après avoir été remplacé par Nivelle en 1916, puis relégué à un rôle honorifique, Joffre conserve une immense popularité : il incarne encore pour beaucoup le « sauveur de la France ». Son élection à l’Académie française est donc autant un geste politique qu’un hommage.

Mais ce geste brouille les frontières. L’Académie, créée pour célébrer le génie littéraire, cède à la tentation de se parer de la gloire militaire. Certes, il existe des précédents : sous l’Ancien Régime, des maréchaux comme Turenne ou Villars y avaient fait leur entrée. Mais au XIXe siècle, la tendance s’était resserrée sur les lettres. En intronisant Joffre, l’Académie retrouve une vieille habitude, mais dans un contexte où elle revendique hautement sa mission linguistique.

C’est ce que critique Bringer. L’Académie ne se contente plus de couronner les écrivains : elle cherche à emprunter la gloire des autres pour raviver son prestige. Or, loin de l’élever, ce choix risque de l’amoindrir. « Si ces Messieurs de l’Académie escomptent qu’un peu de la gloire du maréchal rejaillira sur leur Compagnie, ils ont grand tort », écrit Bringer. Au lieu de renforcer sa renommée, l’Académie prend le risque de la diluer dans une gloire qui n’est pas la sienne.

Derrière l’humour, le propos est profond. Il ne s’agit pas de contester la valeur de Joffre comme militaire : Bringer reconnaît sa grandeur. Mais il refuse la confusion des genres. Chaque institution doit rester fidèle à sa mission : l’Académie aux lettres, l’armée aux champs de bataille. En cédant à la mode du moment, les Immortels trahissent leur vocation.

Ce texte du Canard enchaîné illustre à merveille la fonction de la satire en temps de guerre. Alors que l’Union sacrée exalte les chefs militaires, Bringer ose rappeler qu’ils n’ont pas leur place partout. Alors que la propagande fait de Joffre un mythe vivant, il s’autorise à rire de sa nouvelle immortalité académique. C’est ce rire qui maintient une distance critique face aux emballements du temps.

En définitive, l’article « Sur une élection » est une charge élégante contre l’Académie plus que contre Joffre. Il interroge la dérive d’une institution prête à tout pour se couvrir de prestige, même au prix de sa cohérence. Et il rappelle, avec la malice propre au Canard, qu’en temps de guerre, il ne faut pas confondre gloire militaire et gloire littéraire.