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N° 864 du Canard Enchaîné – 18 Janvier 1933

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À Gérard Leretour

18 janvier 1933 : dans Le Canard enchaîné, Pierre Châtelain-Tailhade s’adresse à un jeune objecteur de conscience, Gérard Leretour, emprisonné pour avoir refusé la guerre. En pleine France militarisée, il dénonce les juges, les moralistes et l’opinion engourdie, défendant la paix comme un acte de courage. Un texte bouleversant, fraternel et prophétique, où la satire se fait cri de conscience.

Apparences, par Pedro

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18 janvier 1933 : Pierre Châtelain-Tailhade défend Gérard Leretour, objecteur de conscience — quand le Canard prend parti contre l’hypocrisie patriotique

Dans son édition du 18 janvier 1933, Le Canard enchaîné publie à la une une vibrante tribune de Pierre Châtelain-Tailhade intitulée « À Gérard Leretour ». Derrière cette adresse fraternelle se cache l’un des textes les plus courageux et les plus subversifs du journal entre les deux guerres : un plaidoyer en faveur d’un jeune objecteur de conscience, emprisonné pour avoir refusé de porter les armes, et en grève de la faim depuis douze jours dans la prison militaire de Nancy.

Dans une France encore engourdie par la peur de la guerre perdue et l’idéologie du sacrifice patriotique, l’article est un coup de tonnerre. Le ton est celui d’un pamphlet, mais l’émotion y brûle sous chaque ligne. Tailhade, en interpellant ce « frérot » inconnu, règle aussi ses comptes avec une société hypocrite, où les militaires, les juges et les chroniqueurs bien nourris rejouent le patriotisme pour mieux étouffer la conscience individuelle.

Un objecteur face à la France officielle

Le texte s’ouvre comme une conversation fraternelle : « Ça, frérot, ce n’est pas du jeu. » Tout est dit. Gérard Leretour — nom à peine connu, sans doute pseudonyme — devient le symbole de cette jeunesse pacifiste qu’on enferme pour avoir refusé de participer à la mécanique de guerre. Châtelain-Tailhade évoque la scène : un tribunal militaire, un procureur satisfait, un journaliste de prétoire en goguette, et au centre, un accusé qui a simplement dit “non”.

Le refus d’obéissance est alors un crime d’État. Depuis la loi de 1905, la France ne reconnaît aucun droit à l’objection de conscience. Dans les cas rares où elle est invoquée, les objecteurs sont assimilés à des déserteurs, des lâches ou des fous. Le souvenir de 1914-1918 pèse de tout son poids : quiconque refuse de “mourir pour la patrie” est traité d’ennemi intérieur.

Châtelain-Tailhade démonte cette logique avec un mélange d’ironie et de rage. Il dénonce les “chroniqueurs judiciaires bien nourris”, les moralistes qui “chiffonnent la tradition” à coups de platitudes sur l’honneur militaire. Il évoque “le lecteur de Cadet Vautel” — clin d’œil à un chroniqueur réactionnaire du Petit Parisien —, figure de ce bourgeois apeuré, gavé de propagande nationaliste, prompt à applaudir la répression au nom de la morale.

Une France figée dans ses certitudes guerrières

L’article va bien au-delà du cas individuel. Il s’en prend à la France entière, à son incapacité à tourner la page de la guerre. “Il était entendu que les objecteurs de conscience sont des lâches, des femmelettes qui ne veulent pas mourir…” écrit-il, avant d’ajouter : “Mais ça, c’était au temps de la riflette, quand les Daudet et les Barrès gueulaient la curée à pleines gorges.

Cette phrase, cinglante, vise directement la génération des nationalistes et bellicistes de 1914, ces écrivains qui ont glorifié la guerre tout en restant bien à l’abri. En 1933, la France vit encore dans cette culture de la “grande guerre” sanctifiée, entretenue par la presse, l’armée, et un pouvoir inquiet de la montée des ligues. Dans ce contexte, défendre un objecteur de conscience, c’est presque une trahison.

Mais Tailhade assume. Il renverse l’accusation : le vrai courage n’est pas dans l’obéissance, mais dans la fidélité à l’idée de paix. En exaltant la grève de la faim de Leretour, il fait du “déserteur” un martyr moral, l’inverse exact du “poilu de roman” que le pays continue de célébrer.

La parole contre l’uniforme

Le cœur du texte, bouleversant, relate le face-à-face entre le jeune homme et le tribunal : « Je me rends. Jugez-moi si bon vous semble. Mais vos patrons ont signé le pacte Kellogg qui met la guerre hors la loi. Je sais ce que valent ces signatures… Mais il va falloir qu’on s’explique. »

Tout est là : la lucidité, la révolte, la logique désarmante de celui qui oppose le droit international — le pacte Kellogg-Briand de 1928, qui proscrit la guerre comme instrument de politique nationale — à la réalité cynique de l’armée française. Cette scène, rapportée par Châtelain-Tailhade avec un mélange d’admiration et de colère, résonne comme une parabole : la République qui se proclame pacifiste punit ceux qui prennent sa parole au sérieux.

Et la dénonciation finale est implacable. Tailhade interpelle “Paris” — la capitale des beaux discours et de l’indifférence —, raille une opinion publique “qui ne s’émeut plus que pour le sex-appeal du tailleur de M. Chiappe”, allusion assassine au préfet de police symbole de l’ordre moral. Il accuse les “pacifistes de salon” d’avoir abandonné le terrain à la droite et au militarisme. “Je demande si le suicide de Gérard ne serait pas un peu notre crime à tous.

Un texte contre la lâcheté collective

À travers cette lettre ouverte, Châtelain-Tailhade signe l’un des textes les plus engagés du Canard de l’entre-deux-guerres. En pleine montée des fascismes, il refuse le confort du cynisme et défend la dignité d’un homme seul face à la raison d’État. Ce faisant, il replace le Canard dans une lignée d’antimilitarisme moral, héritière de L’Assiette au beurre ou de Vallès : celle qui préfère l’insoumission à la lâcheté, la parole à la discipline.

Son appel, lancé en conclusion — “Dites donc, est-ce qu’on va le laisser mourir ?” — sonne comme une gifle à l’indifférence d’une époque qui, sous prétexte de paix, prépare déjà la guerre suivante. Quelques jours plus tard, le 30 janvier 1933, Hitler accède au pouvoir en Allemagne. L’avertissement de Châtelain-Tailhade prend alors une dimension tragiquement prophétique : pendant que la France emprisonne ses pacifistes, l’Europe s’apprête à se livrer à ses nouveaux bellicistes.